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Paul Collowald, pionnier d'une Europe à unir

Une vie à dépasser les frontières

de Sabine Menu (Auteur)
©2018 Monographies 294 Pages

Résumé

En captivité en Allemagne, après la prison à Metz, Robert Schuman confiait en 1942 : « Les frontières qui nous séparent ne doivent pas être la barrière entre des peuples foncièrement différents les uns des autres, mais le lien entre les hommes qui, en fin de compte, n’ont jamais été eux-mêmes à l’origine des conflagrations ».
Paul Collowald, homme des frontières ayant subi l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par le régime nazi, a résisté contre les atteintes à la dignité humaine. Une fois la guerre gagnée, il s’engage pour gagner la paix. En 1949, journaliste à Strasbourg, il rencontre le ministre des Affaires étrangères Schuman et sa vie en sera bouleversée. Il vouera désormais sa passion de l’information à la cause européenne. Faire comprendre la complexité et les exigences d’une Europe à unir, aussi bien pour les journalistes que le grand public, Paul Collowald l’assumera en tant que porte-parole des vice-présidents successifs de la Commission Robert Marjolin puis Raymond Barre. Directeur à la direction générale de l’information ensuite, il terminera sa carrière au Parlement Européen comme directeur général de l’information. Tout au long de sa vie, il s‘est appuyé sur les principes énoncés par Schuman dans sa Déclaration du 9 mai 1950 pour expliquer l’ouverture des frontières et la liberté de circulation, les nouvelles solidarités entre les États et les peuples et l’élargissement de l’Europe qui devait s’accompagner de son approfondissement.
Résister, s’engager, parler de l’Europe à unir, oser le saut dans l’inconnu de la Déclaration Schuman. Le réinventer face aux enjeux d’aujourd’hui.
Cette biographie de Paul Collowald retrace le parcours d’un homme qui a fait bien plus que de franchir les frontières entre Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg. Avec d‘autres de sa génération qui reprennent vie dans ce récit, connus ou méconnus, il a œuvré pour jeter des ponts afin de les dépasser.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Préface
  • Introduction. « L’Europe ? La grande aventure pacifique de ma génération »
  • I/ Grandir dans une europe aux frontières sous tensions (1923-1945)
  • Jeunesse et formation en Alsace
  • Vie bouleversée par la guerre
  • Résistance en Alsace-Moselle
  • Un Malgré-Nous
  • II/ Franchir les frontières pour gagner la paix – le journalisme à strasbourg (1945-1958)
  • Années universitaires et débuts dans le journalisme
  • Dans les pas de Robert Schuman
  • Changer l’Europe, changer le monde
  • Les débuts dans l’actualité européenne
  • III/ Ouvrir les frontières pour dire l’europe – au coeur de l’information des institutions européennes (1958-1981)
  • Entrée dans la fonction publique européenne à Luxembourg
  • Départ pour la Commission européenne à Bruxelles
  • Étapes d’une carrière européenne
  • L’engagement de l’Européen
  • IV/ Dépasser les frontières – fin de carrière au parlement européen et retraite militante pour l’Europe et l’information
  • Vers les élections européennes de 1984
  • Avec Pierre Pflimlin au Parlement européen
  • Persévérer dans la transmission du projet européen
  • Réinventer l’Europe
  • Conclusion. Oser l’Europe
  • Postface. Entretien de Sabine Menu avec Paul Collowald
  • Liste des ouvrages et documents cités
  • Index
  • Liste des abréviations
  • Titres de la collection

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Préface

Paul Collowald est un de ces personnages qui contribuent à faire l’Histoire sans pour autant accéder à la notoriété. Il aura cependant joué un rôle considérable dans deux domaines d’importance. L’Europe et l’information.

Alsacien né en 1923, il aurait pourtant pu garder rancune de ce que l’Alsace avait vécu ou de ce qui l’avait animé dans la Résistance. Il a préféré le travail pacificateur commun avec l’ennemi d’hier, qui n’avait pas été un ennemi « national » : il a pu faire appel à Eugen Kogon, interné dans le terrible camp de Buchenwald, expérience dont Kogon tirera le livre à grand succès Der SS Staat (1946) (en français L’Enfer organisé publié en 1970). Qu’est-ce à dire ? Pour nous tous qui, sur l’initiative d’Emmanuel Mounier, avions créé le Comité français d’échanges avec l’Allemagne nouvelle, Eugen Kogon était la preuve que les « Allemands » était une notion fausse. Dès après la guerre, il avait créé, avec son ami Walter Dirks, la revue Frankfurter Hefte (qui existe encore !). La revue a lié amitié avec Esprit, la revue d’inspiration semblable d’Emmanuel Mounier.

Paul Collowald a œuvré aux côtés de l’Européen convaincu que fut Pierre Pflimlin, dans l’admiration d’un autre pacificateur, né lui aussi allemand en tant que Luxembourgeois, Robert Schuman. J’ai pu vérifier l’essentiel du portrait qu’il a tracé du « père de l’Europe » en 1949 : « Calme et modestie, simplicité et bonne humeur, désintéressement foncier, dévouement quasi mystique au bien commun, une puissance de travail extraordinaire et une vie intérieure profonde et riche, fondée sur les assises solides d’un christianisme vécu sans compartimentage comme sans forfanterie ». Un christianisme qui a fait ouvrir à Rome une procédure en béatification…

La révolution que Robert Schuman et Jean Monnet ont apportée tient en une phrase, que rapporte ici l’auteur : « C’est la première fois, dit Monnet, que j’ai vu des discussions de cette nature : Ils ne sont pas une négociation où tout le monde cherche seulement à défendre ses intérêts. C’est la recherche commune de l’intérêt de tous ». ← 9 | 10 →

C’est une formule qui ne pouvait que déplaire au Général de Gaulle qui a voué au couple Schuman/ Monnet une antipathie profonde et durable, non dépourvue de mesquinerie. De Monnet, il m’a dit en janvier 1962 : « Je l’ai utilisé, mais c’est un apatride. Je ne dis pas cela en mauvaise part, mais il n’a pas le sens national ». À la mort de Schuman, en septembre 1963, il a empêché le chancelier Adenauer de se rendre aux obsèques et interdit au préfet de la Moselle d’inviter Jean Monnet au dîner organisé à Metz après la cérémonie.

Ce qu’il faut malheureusement relever, c’est que l’Europe de Paul Collowald, de Pierre Pflimlin et de Robert Schuman est morte ou du moins mourante. À Bruxelles, l’« Europe des États » du Général triomphe de l’Europe de la trans-ou supranationalité. Certes, l’Europe est beaucoup plus intégrée qu’elle ne l’était dans les années 1950 ou 1960 et le Parlement a vu ses pouvoirs augmenter, mais ce sont les États qui exercent le vrai pouvoir… Dans les relations franco-allemandes, on peut prendre comme symbole le changement de statut imposé en 2005 à l’Office franco-allemand pour la jeunesse, créé en 1963 par le Traité de l’Élysée. Jusqu’alors, le Conseil d’administration était composé pour moitié par des représentants des deux sociétés civiles. Désormais, le Conseil est formé des représentants des deux administrations, la société civile n’étant présente que dans un comité consultatif.

***

Paul Collowald aura été, avec Jacques Rabier, le champion de l’information européenne, ou plus exactement de l’information sur l’Europe. Avec ténacité, il a fortement contribué à un changement spectaculaire : Parler de l’unité européenne et de ses problèmes n’est plus un tabou. Ce qu’a été la situation voici encore quelques années, un évènement mineur de décembre 2006 peut le montrer. À Berlin, dans la salle de réunion du gouvernement, la chancelière [Merkel] avait réuni les représentants de la société civile, Association des villes, Églises, Mouvements de jeunesse, etc, pour leur demander ce qu’ils pouvaient et comptaient faire pour l’Europe pendant les six mois de présidence allemande commençant le 1er janvier 2007. Chacun présenta un plan précis, sauf un participant, le seul journaliste présent. Rédacteur-en-chef du grand hebdomadaire Die Zeit, Giovanni di Lorenzo expliqua que la presse ne pouvait rien faire pour un sujet aussi peu intéressant que l’Europe. En ce temps pas si lointain, les éditeurs français expliquaient ← 10 | 11 → que le mot Europe dans un titre de livre était contre-productif. Bien des journalistes ont appris par Paul Collowald l’intérêt du sujet, intérêt accentué par des évènements et des débats que les médias ne pouvaient décidément pas ignorer.

Paul Collowald, jamais vraiment à la retraite, pouvait alors se rappeler le temps où, à Strasbourg, le FEC, le Foyer de l’étudiant catholique du Frère Médard, pratiquait déjà des ouvertures pas encore évidentes. Aujourd’hui, son long travail en profondeur ne lui a pas encore permis d’accéder à la notoriété qu’il mérite pourtant depuis longtemps. Puisse ce beau livre y contribuer !

Alfred Grosser ← 11 | 12 →

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Introduction

« L’Europe ? La grande aventure pacifique de ma génération »

L’Europe ? Qui s’y intéresse, qui la comprend ? Hormis un groupe réduit de professionnels de l’Europe, d’intellectuels et de citoyens, elle est perçue depuis les origines de son intégration dans les années 1950 comme lointaine et complexe. Paul Collowald a été parmi les premiers à s’en soucier. Durant la dernière décennie, des référendums ont donné une majorité au « non » à l’Europe : non au projet constitutionnel en 2005 en France et aux Pays-Bas et, en 2016, à l’Union européenne (UE) au Royaume-Uni. Les raisons invoquées par les votants ont révélé à chaque fois un déficit flagrant d’information et de compréhension. L’Europe reste en effet abstraite. Pourtant les conséquences de ce « non » ont été bien réelles : en 2005, il n’y a pas eu d’avancée sur les fondements du projet politique européen et en 2016 s’est ouverte la perspective d’une suppression des libertés de circulation des personnes et du commerce entre le Royaume-Uni et l’UE.

L’Europe ? Paul Collowald est de ceux qui ont fait les premiers pas concrets vers son unité. Journaliste en 1946, il franchit le Rhin pour réaliser un reportage sur la jeunesse allemande. Il la découvre encore plus déboussolée que la sienne, et il ressent fortement la nécessité pour son époque de gagner la paix par la réconciliation franco-allemande.

La paix ? Le ministre des Affaires étrangères Robert Schuman répondra directement au journaliste lors d’un tête-à-tête improvisé à Strasbourg en août 1949. Paul Collowald est bouleversé par cette rencontre placée sous le signe de la confiance : lui, journaliste inconnu pour le ministre, peut dialoguer pendant près d’une heure avec celui qui provoquera la « révolution du 9 mai 1950 » débouchant sur la création d’une Communauté européenne fondée sur l’égalité des droits entre États européens, la souveraineté partagée et la solidarité. La Déclaration Schuman est un tournant dans sa vie : l’Europe à unir devient le combat de sa jeunesse et l’idéal qu’il poursuit jusqu’à aujourd’hui. ← 13 | 14 →

Avec le récit de la vie de Paul Collowald, nous replongeons aux sources de l’Europe et 70 ans de construction européenne reprennent vie. Son expérience est extrêmement riche : journaliste à Strasbourg jusqu’en 1958, puis porte-parole du vice-président Robert Marjolin et, à partir de 1967, de Raymond Barre, ensuite directeur à la direction générale de l’information de la Commission européenne et enfin directeur général de l’information au Parlement européen dans les années 1980, et jusqu’à aujourd’hui militant de l’Europe… De la Déclaration Schuman au Brexit, de l’Europe des Six à celle des bientôt 27, des premiers pas de l’Union économique et monétaire à la crise de l’euro, des bases de l’Europe sociale à la stratégie de Lisbonne et ses développements successifs, de la première ébauche d’une Université européenne à aujourd'hui : il voit des liens là où un manque de recul historique ou d’information suffisante n’en verrait pas. Il explique aussi que le projet d’une Europe à unir, certes vieux de 70 ans mais si révolutionnaire, prend du temps à se concrétiser, nous incitant à être à la fois vigilant et persévérant.

À de nombreuses reprises, il a partagé son expérience et son engagement européen dans ses articles publiés dans la presse francophone européenne, ses contributions à des conférences ou à des colloques scientifiques, les entretiens qu’il a accordés à des chercheurs comme Michel Dumoulin, Anne Dulphy, Christine Manigand et Étienne Deschamps, ou encore dans son livre paru en 2014 aux Éditions de la Nuée Bleue, J’ai vu naître l’Europe. De Strasbourg à Bruxelles, le parcours d’un pionnier de la construction européenne. Jamais un livre n’a toutefois retracé sa vie, de l’enfance aux frontières, formé aux lettres et au catholicisme social, au jeune adulte parmi les Malgré-Nous, jusqu’aux plus hautes responsabilités de l’information européenne qu’il a occupées à Luxembourg et à Bruxelles, en passant par les débuts de sa carrière comme journaliste et militant européen dans le Strasbourg de l’après-guerre. Les deux premières parties de ce livre sur sa jeunesse, la guerre et ses débuts dans le journalisme à Strasbourg, constituent des récits inédits et éclairent sous un nouveau jour les autres étapes de sa vie.

C’est parce qu’il est l’un des survivants de la Seconde Guerre mondiale que Paul Collowald se passionne pour l’Europe. Au-delà du souhait de garder la mémoire de ceux qui ont écrit les premières pages de la construction européenne, il s’agit de mettre en évidence que son expérience de la guerre est constitutive de son engagement européen. C’est à cause de cette guerre dont il a subi directement les tensions aux frontières qu’il a fait de l’Europe à unir l’une de ses grandes motivations, bien au-delà ← 14 | 15 → d’une simple activité professionnelle. Contribuer à dépasser les frontières est alors devenu le fil conducteur de sa vie: celles physiques qui existaient comme des barrières entre les États et les peuples européens; celles aussi dans les pratiques administratives et politiques, dans les mentalités, quand Paul Collowald constatait qu’elles constituaient des obstacles au dialogue et à la coopération; sa propre ouverture et son sens du contact enfin, qu’illustre le long index de ce livre… Dès le départ, l’information figure pour lui au cœur de ce projet politique afin d’impliquer les citoyens, tel que Robert Schuman l’avait en tête.

Journaliste puis fonctionnaire – à rebours de l’image souvent véhiculée des fonctionnaires européens déconnectés de la réalité, l’information a été pour lui une question bien concrète : expliquer aux journalistes et aux citoyens ce que l’Europe fait, commenter la portée et les limites des décisions européennes au regard de ses principes fondamentaux de la souveraineté partagée et de la solidarité, dire aussi, sans relâche, ses déceptions face à l’Europe inachevée et ses espoirs quant à l’Europe à réinventer…

Cette biographie complète celle rédigée dans la même série par Michel Theys sur Jacques Rabier, son collègue et ami, directeur du premier service de presse et d’information de la Haute Autorité puis Commission européenne, et inventeur de l’Eurobaromètre. Des années 1950 à nos jours, leurs trajectoires de vie se sont croisées pour ne plus se séparer. Ils sont des pionniers de l’information sur l’Europe, soucieux depuis le commencement de la faire exister au-delà des cercles administratifs et diplomatiques européens.

La littérature en histoire et en science politique a fait le constat que la multiplication des outils de communication de l’Union européenne – par le biais de brochures, de manifestations publiques ou plus récemment des réseaux sociaux – n’a guère contribué à améliorer nos connaissances et notre intérêt sur ce sujet. Les récents rendez-vous électoraux en France, Allemagne, Autriche, Hongrie et Italie ont même montré une défiance croissante exprimée par les électeurs qui ont accordé de manière significative leur vote à des partis qui rejettent l’Europe. La crise politique, économique et sociale en est la raison principale, l’Europe étant devenue pour beaucoup synonyme d’austérité budgétaire, mais l’absence d’un espace public européen, où informations et débats seraient véhiculés, est aussi pointée du doigt. ← 15 | 16 →

La conviction de Paul Collowald tirée de son action et de son observation est que l’information sur l’Europe repose sur une responsabilité partagée : sans l’information qui émane des institutions européennes et nationales, l’Europe n’a pas de réalité pour les citoyens et le désintérêt, voire la défiance vis-à-vis de ce projet se développe car il est complexe ; sans les relais critiques de l’information que constituent les médias, l’Europe ne s’ancre pas dans nos vies, débats et aspirations. Enfin, sans l’intérêt et la vigilance des citoyens, l’information n’a pas de sens.

Certes, l’expérience de Paul Collowald correspond aux premiers « balbutiements » de l’information au sein de la Commission, où il fallait se battre pour asseoir l’idée d’une information en dehors des cercles diplomatiques, où tout était à construire pas à pas mais où régnait un certain esprit d’initiative et pas mal d’autonomie. Ce monde n’existe plus mais les trois problèmes demeurent. La vie de Paul Collowald témoigne de son combat tous azimuts pour expliquer et agir afin que l’on ne renonce pas à cette exigence d’informer sur l’Europe. Pour la rendre moins lointaine, moins complexe, moins ennuyante.

Résumé des informations

Pages
294
Année de publication
2018
ISBN (PDF)
9782807607637
ISBN (ePUB)
9782807607644
ISBN (MOBI)
9782807607651
ISBN (Broché)
9782807607620
DOI
10.3726/b14641
Langue
français
Date de parution
2018 (Août)
Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
Bruxelles, Bern, Berlin, New York, Oxford, Wien, 2018. 290 p., 41 ill.

Notes biographiques

Sabine Menu (Auteur)

Sabine Menu est enseignant-chercheur à l’EM Strasbourg Business School et responsable du bureau Europe à Bruxelles. Docteure en science politique, elle enseigne l’intégration européenne et le fonctionnement de l’Europe.

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