Politiques de la diversité
Sociologie des discriminations et des politiques antidiscriminatoires au travail
Résumé
Se dessinent ainsi les contours d’une diversité sélective ou d’une bonne diversité au travail qui prend en charge certaines formes d’inégalités et de discriminations, mais pas toutes, au risque y compris de recouper des situations et des logiques discriminatoires.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sur l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Remerciements
- Principaux sigles utilisés
- Introduction
- Première partie Discrimination et diversité en débat
- Chapitre 1: Discrimination et diversité dans le débat public au début des années 2000 en France
- Chapitre 2: « L’invention française » de la (non)-discrimination
- Chapitre 3: La diversité au travail : genèse d’une initiative entrepreneuriale
- Deuxième partie Des concepts aux actions : les politiques des entreprises
- Introduction
- Chapitre 4: Rhétoriques managériales de la diversité : des rationalités autres que celles du droit
- Chapitre 5: La « diversité globale »
- Chapitre 6: L’ethnicité, « un critère qui doit suivre » ?
- Troisième partie Les acteurs de la diversité
- Introduction
- Chapitre 7: Intermédiaires et « opérateurs de la diversité » dans les politiques des entreprises
- Chapitre 8: Boîtes noires de la discrimination : travail sur soi et injonction à la conformité dans les travaux des intermédiaires
- Chapitre 9: À la limite de la diversité : la religion
- Chapitre 10: Être ou ne pas être un « candidat de la diversité »
- Conclusion. La diversité au travail, des politiques en trompe-l’œil ?
- Bibliographie
- Titres de la collection
La réalisation de cet ouvrage a été rendue possible par un travail d’enquête au long cours, mené dans le cadre de projets collaboratifs et prolongé par des recherches personnelles.
Je tiens à remercier mes collègues de l’Université de Lille 3 avec qui j’ai eu l’opportunité d’en initier les prémisses et les premières réalisations, autour des enquêtes lilloises, qui ont nourri le corpus de données et ma réflexion ultérieure : Vincent Caradec, Myriam Hachimi Alaoui, Marion Dalibert, Claire Lefrançois.
Je remercie également les collègues et ami.e.s qui par leur soutien, relectures et conseils avisés m’ont aidée à progresser et améliorer le manuscrit : Beate Collet, Corinne Rostaing, Dominique Schnapper, Denise Helly, Sylvie Monchatre.
Je me sens enfin tout particulièrement reconnaissante à celles et ceux qui en ont discuté les résultats, en me permettant ainsi d’ouvrir ces analyses vers de nouvelles questions et chantiers de recherche : Anne Raulin, Raphaël Liogier, Jocelyne Streiff-Fénart, Denys Cuche, Philippe Bataille, Stéphane Dufoix. La délégation pour recherches dont j’ai bénéficié au sein du laboratoire CADIS de l’Ehess – CNRS (UMR 8039) a constitué un appui précieux dans ce projet. ← 9 | 10 →
La diversité connaît ces dernières années en France une diffusion et popularité croissantes. Que ce soit au travail, dans l’éducation, le champ politique ou l’action publique, la notion est convoquée sur les thèmes de l’intégration et du « vivre-ensemble », pour rendre compte du caractère « pluriethnique » et multiculturel de la société française, des phénomènes de ségrégation et de discrimination qui lui sont propres. Autant d’enjeux dont celle-ci a du mal à se saisir et éprouve de longue date le besoin de réprimer. Aux débats sur le « droit à la différence », portés par la mobilisation des descendants de l’immigration post-coloniale et maghrébine durant les années 1980, a succédé ici, au cours de la décennie suivante, une lecture polémique et controversée des questions du multiculturalisme, qui n’ont jamais trouvé à s’acclimater, suscitant méfiance et rejet par la stigmatisation des « communautarismes ». Les éloges de la diversité constituent aujourd’hui une nouvelle manière d’aborder ces problématiques et la notion de diversité est même en passe de devenir une catégorie incontournable du débat public. La France n’est pas en ce domaine une exception, ces évolutions peuvent être observées également ailleurs, au fil d’histoires et de cheminements comparables.
Cet ouvrage se propose d’étudier ces déclinaisons françaises récentes des idéaux de la diversité, en soulignant à la fois la manière dont elles s’inscrivent dans une histoire plus longue et les renouvellements qu’elles apportent dans le champ politique, le débat public, en matière de pratiques professionnelles. La mobilisation et la popularité du thème semblent, en effet, avoir catalysé un certain nombre de changements. La plasticité et les connotations positives attachées à la diversité la rendent consensuelle et aident à sa diffusion. L’imprécision quant aux catégories qu’elle vise – âge, sexe, l’aptitude physique, mais aussi situation minoritaire, orientation sexuelle – encourage des lectures extensives qui permettent de fusionner des enjeux différents. L’argument de la diversité est ainsi un argument inclusif : plutôt que le redressement de torts ou la réparation d’injustices, les registres qu’il mobilise visent à la valorisation des individus, saisis dans leurs singularités et leurs « potentialités ». L’accent est mis sur la personne, plutôt que sur le groupe, mais aussi sur le « mérite », la créativité, voire la flexibilité, au sens de possibilité de choix et d’organisation (en matière de rétribution ou de congés) notamment au travail. ← 13 | 14 →
Alors que depuis plus d’une décennie, les pays libéraux et démocratiques dont ceux notamment qui ont accueilli des migrations importantes se voient confrontés à une résurgence des idéologies nationales et assimilationnistes, la diffusion des préoccupations en faveur de la diversité a pu être analysée, de manière non dénuée d’ambiguïté, comme un adjuvant de ces politiques et discours néo-libéraux et méritocratiques, voire d’un regain du national. Mobilisée au nom de « l’égalité des chances », elle permettrait de fait le maintien d’un statu quo dans les organisations (puisqu’attachée d’abord à la notion de mérite individuel). Dans les arènes académiques, l’intérêt montant pour une « super-diversité », faite de superpositions éphémères ou durables d’identités – de genre, de sexe, d’origine, de classe ou de « race » – remettrait en question la réalité ontologique de ces entités collectives (et partant des inégalités qui s’y enracinent), au profit d’une représentation en termes d’hybridation et de fluidité, d’une diversité éclatée et profondément individualisée.
Ce sont certaines des hypothèses que nous proposons de mettre à l’épreuve dans cet ouvrage à partir d’un site d’observation spécifique que constituent les politiques de la diversité, telles qu’elles se sont développées en France, notamment dans le monde de l’entreprise et au travail. Outre la mise en contexte, la démarche qui guidera notre propos est celle d’une mise en regard de la situation française avec d’autres pays et expériences nationales, comme celles par exemple des États-Unis ou du Canada qui, au cours des années 1970-1980, ont exploré des politiques de même étiquetage et d’inspiration similaire afin de combattre les effets du racisme et de la discrimination et valoriser le caractère pluriethnique et multiculturel de leurs nations respectives. Plus près de nous, l’Union européenne a joué à la fin des années 1990 un rôle important dans l’introduction au sein des législations nationales d’un dispositif juridique et politique antidiscriminatoire et fut également un vecteur puissant pour l’inscription de ces préoccupations à l’agenda. Des organisations internationales comme l’UNESCO ont contribué, à partir de logiques certes différentes, à établir leur légitimité. Face à la multiplicité de ces influences et dynamiques d’emprunt et d’hybridation, il s’agira d’interroger ce qui fait la spécificité des réceptions françaises. Nous serons attentifs aussi bien aux processus de convergence par rapport à d’autres contextes nationaux, qu’à ce qui caractérise l’originalité de la situation hexagonale. Qu’est-ce que cette analyse différentielle peut nous apprendre sur les logiques d’acteurs, les modalités de construction des problèmes et des politiques publiques, la production des inégalités et l’élaboration de stratégies pour les combattre ? De ce point de vue, deux constatations nous semblent dès à présent à poser : la première est celle de l’articulation de la problématique de la diversité en France – mais aussi dans d’autres pays au fil d’évolutions comparables – à une préoccupation ← 14 | 15 → et à un objectif politique de lutte contre les discriminations ; la deuxième souligne, quant à elle, la spécificité des dynamiques sociales, des logiques temporelles et d’acteurs selon lesquelles ces deux préoccupations et objectifs d’action publique se trouvent intégrés.
Pour aborder ces questions l’ouvrage prend appui, parmi d’autres sources d’information, sur un site d’observation privilégié que constitue l’émergence, à partir des années 2000 en France, d’initiatives en faveur d’une « production de la diversité » et de lutte contre les discriminations, notamment dans le monde économique et au travail. Cet ancrage économique et entrepreneurial confère, à n’en pas douter, une orientation et une coloration particulières à la problématique, dans la mesure où les acteurs économiques en ont fait un enjeu important de promotion d’une économie « moderne », de compétitivité et d’adaptation à l’univers globalisé des marchés. L’approche qui guide notre propos est que cette genèse entrepreneuriale n’épuise pas, certes, les résonances et les implications multiples de la problématique, mais qu’elle constitue un éclairage pertinent de la manière dont ces premières initiatives ont contribué en France à nourrir les débats et à structurer les pratiques professionnelles.
Résumé des informations
- Pages
- 196
- Année de publication
- 2016
- ISBN (PDF)
- 9783035265620
- ISBN (MOBI)
- 9783035298048
- ISBN (ePUB)
- 9783035298055
- ISBN (Broché)
- 9782875742902
- DOI
- 10.3726/978-3-0352-6562-0
- Langue
- français
- Date de parution
- 2015 (Août)
- Mots clés
- travail discrimination droits
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. 196 p.