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« Tout le talent d'écrire ne consiste après tout que dans le choix des mots »

Mélanges d'études pour Giuseppe Bernardelli

de Enrica Galazzi (Éditeur de volume) Marisa Verna (Éditeur de volume) Maria Teresa Zanola (Éditeur de volume)
©2015 Autres 282 Pages

Résumé

Depuis les années 1960, maintes générations d’étudiant(e)s et de nombreux collègues ont pu apprécier les qualités humaines et scientifiques de Giuseppe Bernardelli. Ce volume d’hommage se propose comme une preuve d’un dialogue toujours vivant, sur les deux côtés de la littérature et de la linguistique, autour de cette passion pour « les mots », manifestée par l’enseignement et par les études que Bernardelli a toujours menées avec finesse et acribie. D’où le titre de ces mélanges : « Tout le talent d’écrire ne consiste après tout que dans le choix des mots » (Gustave Flaubert, À Louise Colet, 22 juillet 1852)

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos des directeurs de la publication
  • À propos du Livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des Matières
  • Présentation
  • Avant-propos
  • Giuseppe Bernardelli : Bibliographie
  • Section : Littérature
  • Le dernier bouffon hugolien dans le Théâtre en liberté
  • Édouard Dujardin, À la gloire d’Antonia (1886) Les innovations scripturales d’un “parler décadent”
  • Entre Bénédiction et “bene-diction” : Baudelaire et l’intertextualité biblique
  • L’itération dans Jusqu’à l’Yser de Max Deauville
  • Le débat critique contemporain sur le lyrisme en France et en Italie
  • ‘Sonner, ou ne pas sonner du cor?’ Fonction et signification d’un thème épique de la ‘Chanson de Roland’
  • Sur la prosopopée dans Les Fleurs du Mal
  • Structures stylistiques dans la poésie de Paul Claudel
  • Sur l’alchimie des images dans Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand
  • Orphée, l’animal et le langage. Le bestiaire de Rimbaud
  • Section : Linguistique
  • Una non dimenticata stagione grammaticale nei corsi di Lingue alla Cattolica di Brescia
  • Aimez-vous la verdure ?
  • Les sujets et leur langue : métalangage et représentations
  • Tout feux tout fards. Figements et défigements dans les titres de la presse féminine
  • Qu’est-ce qu’un mot ? Les méandres d’une notion « faussement simple »
  • Narration et figure d’un objet du quotidien : le parapluie

Présentation

Les études linguistiques et littéraires se nourrissent d’idées, de mots et de textes que la culture et la langue leur prêtent à l’observation et à l’analyse. L’esprit d’un hommage se veut révélateur des lignes de réflexion suggérées par l’Auteur de ces études : grâce à des exercices d’admiration divers, entre langue et littérature, nous adressons nos sentiments d’estime et de respect, d’amitié et de cordialité à Giuseppe Bernardelli, avec lequel nous avons partagé la richesse du travail académique au cours de plusieurs années.

Lorsque Flaubert écrivait dans sa Correspondance « Tout le talent d’écrire ne consiste après tout que dans le choix des mots » (À Louise Colet, 22 juillet 1852), il fixait son regard sur la mise en code, sur la mise en texte, sur l’élan vers les frontières de l’exprimable et du dicible. C’est au sein de ces sensations que se situent les émotions qui accompagnent l’hommage que nous voulons rendre à Giuseppe Bernardelli.

Dans l’ensemble de son activité intellectuelle, nous avons pu relever les traces fondamentales de ses passions d’étude : les aspects prosodiques de la poésie française du Symbolisme, la réflexion sur l’histoire des formes métriques, les fines synthèses théoriques sur les caractères de ce qui est lyrique, de ce qui est littéraire.

Ce volume se propose ainsi d’offrir des contributions d’ordre stylistique, diachronique, pragmatique, prosodique à la réflexion sur la langue française, que nous allons présenter brièvement, selon l’ordre alphabétique, suivant les deux directions, littéraire et linguistique.

À travers l’analyse du personnage du « fou » dans le théâtre hugolien, GIOVANNA BELLATI décrit l’évolution de l’esthétique du poète, qui aboutit à la vision désenchantée et presque cynique des œuvres plus tardives. Ce cynisme s’incarne dans le dernier de ces personnages grotesques, les fous, qui ont été typiques du Romantisme : le lâche Gucho, lequel choisit, inutilement, le Mal, sans plus représenter aucune forme de liberté ou de joie. ← 7 | 8 →

BERNARD GALLINA décrit très finement les innovations de langage du poème en prose d’Édouard Dujardin À la gloire d’Antonia, dont il analyse tous les traits typiques du « parler décadent », qui en font un exemple d’expérimentation linguistique et rhétorique. Ces traits sont les mêmes qui caractérisent l’école symboliste, et Gallina ne manque pas de le rappeler.

Dans son article sur le poème Bénédiction de Baudelaire, FEDERICA LOCATELLI se concentre sur l’intertexte sacré qui parcourt le texte, qui est délibérément convoqué par le poète sur la base d’une stratégie rhétorique, la périphrase, qui vaut aussi pour une pédagogie de la réception : les références au « Grand Code » visent en effet à régler le principe de lecture et d’interprétation du texte lui-même.

FABIO SCOTTO parcourt l’histoire du débat qui anime la poésie contemporaine française autour de deux manières opposées de considérer le langage poétique : lyrique, du côté du sujet de l’énonciation, ou objectif, du côté du ‘réel’. Fabio Scotto ne néglige pas de rappeler l’œuvre théorique de Bernardelli sur ce sujet et qualifie de « sûrement géniale dans son apparente simplicité », sa définition du lyrisme, qui « caractérise la nature ouverte, personnelle du texte lyrique ».

MARIACRISTINA PEDRAZZINI a choisi d’analyser le chef-d’œuvre de la littérature de guerre Jusqu’à l’Yser de Max Deauville du point de vue de l’analyse textuelle : à travers les figures de l’itération – itération phonétique, autrement dit l’allitération et la rime, ou bien la redondance anaphorique – elle montre que les choix stylistiques de l’auteur sont à mesure de suggérer au lecteur l’idée d’une guerre immobile, où les soldats n’arrivent à accomplir que des mouvements inutiles et répétitifs : en effet, ils « ne sont que des pions sur l’échiquier international, qui avancent pour reculer ».

ANNA SLERCA s’intéresse au personnage emblématique et mystérieux de Roland, qu’elle qualifie de « Hamlet français ». Elle se concentre surtout sur le silence de Roland, soit sa décision de ne pas sonner du cor au cours de la bataille, en provoquant de la sorte la mort de milliers de soldats. Slerca retrouve certains des éléments de cette structure narrative dans la saga arthurienne, et notamment dans le roman de Perceval.

DAVIDE VAGO consacre son attention à la figure de la prosopopée dans le langage poétique de Baudelaire. Loin de se borner à une analyse rhétorique des textes baudelairiens, cet essai plonge dans le point aveugle de cette poétique, où la Voix – en tant qu’articulation physique et en tant qu’allocution, qui s’adresse à l’Autre – se révèle comme une « interférence ← 8 | 9 → de lignes mélodiques ». La prosopopée joue dans ce contexte un rôle essentiel, car elle offre au poète un instrument privilégié pour ‘donner voix’ au monde.

À travers une analyse fouillée de la structure linguistique et rhétorique du poème, GISÈLE VANHESE révèle toute la richesse figurale et poétique de Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand. Elle s’attache à définir cette « écriture nocturne », tissée de figures de l’analogie, qui visent à restituer à l’univers son unité première, et qui anticipe de cette manière la poétique symboliste.

Dans son enquête sur l’esthétique de Paul Claudel, esthétique qui s’identifie à l’acte de co-naissance, SIMONETTA VALENTI se concentre sur trois structures stylistiques : anaphore, comparaison et nomination. Ces trois figures permettent au poète « d’appréhender les multiples connexions analogiques qui relient tout être vivant aux autres, dans un rapport de solidarité mutuelle ».

MARISA VERNA identifie dans l’univers animal l’une des clés de lecture de la « nouvelle langue » à laquelle aspire le Voyant dans la poésie rimbaldienne. Après un survol de toutes les bêtes merveilleuses qui habitent l’œuvre du poète de Charleville, l’auteure en analyse le rôle sémantique, linguistique et rhétorique. Image du monde primitif et d’une félicité édénique parfaite, les animaux ‘parlent’, en effet, la langue absolue théorisée par Rimbaud.

BONA CAMBIAGHI et LEO SCHENA, spécialistes de didactique des langues la première et de grammatologie le second, rappellent la mise en place de l’enseignement grammatical dans les cours universitaires de la Faculté des Langues de l’Université Catholique illustrant le rôle joué par le Centre de Linguistique CLUC.

L’engouement pour l’écologie change le visage de nos villes où architectes et paysagistes créent des espaces verts inédits, parfois surprenants. Tout un réseau de termes est en train de se mettre en place autour des opérations de « végétalisation » des milieux urbains : un aperçu est donné dans la contribution d’ENRICA GALAZZI et MARIE-CHRISTINE JULLION à travers l’analyse d’un corpus de presse numérique francophone, constitué à partir de la base de données Lexis-Nexis (2009-2013).

CHIARA MOLINARI explore l’imaginaire linguistique des locuteurs francophones en se penchant sur quelques-unes des sections contenues dans le forum ABC de la langue française (<www.languefrancaise.net>) ← 9 | 10 → et notamment celles qui sont consacrées à la « Promotion linguistique » et à l’« Histoire de la langue française ».

Après avoir présenté quelques études sur le figement et le défigement dans les textes médiatiques, MICHELA MURANO observe la présence et la fonction des séquences (dé)figées dans un corpus de presse féminine française contemporaine.

GIOVANNI TALLARICO revient sur la notion de « mot », « faussement simple » (Alain Rey) pour expliquer pourquoi elle a été remplacée en linguistique par celle d’unité lexicale ou de lexie. Son but est de montrer comment le dictionnaire a contribué à l’affirmation de la notion de mot, en la métamorphosant en celle d’unité (de traitement) lexicographique.

MARIA TERESA ZANOLA reconstruit les parcours terminologiques du parapluie, un objet du quotidien, offrant un chemin de lecture grâce à sa présence dans des pages littéraires du XIXe siècle. Son histoire terminologique permet de pénétrer aussi dans la vie d’un métier et dans le langage de ses artisans, témoins d’une organisation manufacturière active et de l’expérience de musées consacrés à cet objet.

In umbra magnae quercus nihil crescet : si rien ne pousse à l’ombre des grands chênes, dit-on, tenter de se mettre au soleil de leurs œuvres emplit toujours d’émoi. Et nous n’en sommes restées qu’aux ouvrages de plume, sans rien dire sur l’univers du pinceau que nous avons connu, dans le cadre idyllique de la campagne de Monzambano. A l’occasion de cet hommage, nos savoirs viennent offrir à Giuseppe Bernardelli ces notes éparses réunies par le choix de l’amitié.

Enrica Galazzi, Marisa Verna, Maria Teresa Zanola

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Avant-propos

Les qualités des études critiques de Giuseppe Bernardelli sont nombreuses, mais nous croyons pouvoir les résumer en une triade quelque peu paradoxale : la finesse, l’acribie et la liberté. En effet, acribie et finesse ne sont pas nécessairement liées entre elles, un bon philologue pouvant manquer de ce ‘sentiment’ des textes qui seul conduit à l’herméneutique des œuvres littéraires. De son côté, le critique peut parfois négliger, ou du moins prendre un soin moins assidu aux questions apparemment ‘anodines’ de la philologie. La liberté ne vient pas ici tout simplement ajouter de la contradiction au paradoxe, mais bien plutôt jeter un pont entre la précision minutieuse et l’intuition fulgurante. La poésie n’existe, en effet, pour Giuseppe Bernardelli, que dans la dynamique vivante de deux points de repère incontournables : la contrainte formelle et la liberté de l’esprit humain. Comme Charles Baudelaire le savait très bien, en effet, l’art de la langue jouit des « bénéfices éternels de la contrainte »1, bien qu’il reste, après tout, le témoignage le plus éclatant de la liberté humaine. Nous y reviendrions.

Spécialiste reconnu de la poésie symboliste, Giuseppe Bernardelli a consacré de nombreux travaux à l’élément formel de l’écriture. Dès ses premières études, la dimension métrique jouit en effet d’une attention minutieuse et lucide ; dans Giochi tecnici nel simbolismo francese: sul genere della rima2, par exemple, il est clairement montré que le genre d’une rime n’est pas sans marquer en profondeur la dimension sémantique et même esthétique d’un poème, ce que démontre aussi son essai sur la manière symboliste de Verlaine3. Son travail sur les traductions italiennes de Baudelaire (le premier en absolu sur ce sujet) vise aussi à une analyse de la matière linguistique de l’œuvre poétique, de son humble nature de texte (car, après tout, les poèmes ne se font pas avec des idées, mais avec des ← 11 | 12 → mots)4. Le philologue ne quitte jamais le critique et dans des études restées originales et innovatrices Giuseppe Bernardelli reconstruit l’histoire (philologique) de catégories souvent assumées dans l’histoire littéraire sans trop d’enquêtes sur le terrain. Nous pensons aux études sur le concept de Symbolisme et Décadence (Simbolismo francese: storia di un concetto, 1978, et L’École décadente: aspetti del costume letterario parigino di fine Ottocento, 1975)5, dans lesquelles Bernardelli démontre que rien n’autorise à penser à l’existence de deux écoles distinctes, sinon la volonté de certains poètes de se situer en antagonistes par rapport à des rivaux, qui pourtant répondent aux mêmes instances littéraires (thématiques et, de nouveau, formelles). L’histoire des textes, de la langue mais aussi l’Histoire tout court lui servent de points de repères pour ne jamais glisser dans le sentier dangereux des interprétations gratuites.

Les travaux sur Corbière, poète délaissé au moment où Bernardelli commence à s’en occuper, vont dans la même direction, car là aussi, une distinction spécieuse, indifférente à la nature concrète (et spirituelle) des textes pousse à identifier Corbière avec un soi-disant pré-Symbolisme, alors que le Symbolisme français est un phénomène unitaire et cohérent, gigantesque il est vrai, mais unitaire6.

La forme n’est pas, toutefois, toute la poésie. Comme il l’a si bien démontré dans son travail théorique le plus important (Il testo lirico: logica e forma di un tipo letterario)7 « nature lyrique et nature poétique sont des entités distinctes et non concentriques »8. Encore : « [le texte lyrique] est spontanément métaphorique car il est libre »9; à propos de la hardiesse de certaines expressions rimbaldiennes : « rien, à la rigueur, n’est révélé. Le ← 12 | 13 → vol ou l’élan lyrique ne sont pas un accès à la connaissance, mais l’affirmation de la liberté de l’esprit humain »10. Ce qui revient à accorder au texte lyrique une importance à la fois moindre (il ne révèle rien, il ne représente pas une orphique connaissance absolue) et majeure (il est libre) qu’on ne le fait habituellement.

Nous n’avons pas oublié l’attention amoureuse – car tel est le mot – que Bernardelli a consacrée au roman proustien. Sans vouloir compter les nombreuses et toujours fructueuses conversations personnelles que nous avons eues avec lui sur ce sujet, nous nous bornerons à mentionner son Proust e il romanzo della coscienza11, où toutes les innovations structurelles de la Recherche sont finement analysées, mais où, surtout, Bernardelli restitue à Proust sa stature de « classique ». Sa conclusion revient à cette reconnaissance de la liberté de l’esprit humain que nous avons mentionnée au début de cet avant-propos :

[remplie] de choses, de personnages et de lieux caractérisés de manière très précise et nette, la Recherche est le livre d’un moi qui revient constamment des objets du monde vers son centre, se renfermant – et enfermant idéalement son lecteur – dans le cercle de la vie de l’esprit.12

Les études de critique littéraire qui sont réunies ici visent à rendre hommage à cette finesse, à cette acribie, à cette liberté : à cet amour des mots, qu’il faut savoir choisir, mais qui nous rendent tous, définitivement, libres. Nous les laissons parler, car toutes manifestent, de manière différente et s’appliquant à des auteurs différents, cette humilité face au texte que Bernardelli a toujours pratiquée. De la théorie à l’histoire littéraire, de l’analyse d’un style à la découverte philologique, tous les essais que nous publions dans ce volume se mettent à l’écoute de son enseignement : faits de matière et d’esprit, les mots sont toute la poésie.

Marisa Verna

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Résumé des informations

Pages
282
Année de publication
2015
ISBN (PDF)
9783035107951
ISBN (MOBI)
9783035194876
ISBN (ePUB)
9783035194883
ISBN (Broché)
9783034315821
DOI
10.3726/978-3-0351-0795-1
Langue
français
Date de parution
2015 (Mai)
Mots clés
Linguistique Charles Baudelaire Littérature Giuseppe Bernardelli
Publié
Bern, Frankfurt am Main, Berlin, Bruxelles, New York, Oxford, Wien, 2015. 282 p., 5 tabl. n/b
Sécurité des produits
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Notes biographiques

Enrica Galazzi (Éditeur de volume) Marisa Verna (Éditeur de volume) Maria Teresa Zanola (Éditeur de volume)

Enrica Galazzi est Professeur de Linguistique française à l'Université Catholique de Milan. Marisa Verna est Professeur de Littérature française à l'Université Catholique de Milan. Maria Teresa Zanola est Professeur de Langue et Traduction française dans la même Université.

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