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Images-lucioles

Le cinéma européen entre communisme et christianisme (1960-1975)

de Aurel Rotival (Auteur)
Monographies X, 250 Pages
Série: Film Cultures, Volume 13

Bientôt disponible

Résumé

La plaie par balle d’une ouvrière agricole en lutte se transforme en stigmate ; les espèces fi guratives du calvaire christique accompagnent la répression d’un leader de la décolonisation ; des scènes de rassemblement politique convoquent un schème communiel directement hérité de la messe catholique… Entre 1960 et 1975, plusieurs cinéastes d’obédience communiste ont emprunté leurs themes et leurs motifs à la théologie, à l’iconographie et à la liturgie chrétiennes. Au confl uent de deux grandes traditions de l’espérance, une telle constellation révèle la récurrence, à cette époque, d’un paradigme historico-esthétique don’t les lucioles de Pier Paolo Pasolini fournissent la matrice allégorique : singularités anthropologiques et étincelles archaïques qui résistent aux attaques du capitalisme mondialisé. Face aux acculturations bourgeoises, aux pulsions totalitaires et aux menaces nucléaires, c’est avec le salut religieux que ces marxistes hérétiques ont dû penser l’émancipation des peuples.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Liste des illustrations
  • Remerciements
  • Introduction
  • Chapitre 1 - Affinités: deux messages de libération
  • Affinités électives
  • Jésus et les marxistes
  • Une Vierge sulpicienne contre un pape fusillé
  • Un Christ «bien découragé»
  • L’oiseau de Vatican II
  • Un dangereux souvenir
  • Théologies de la libération
  • La Passion d’un Christ zaïrois
  • Le saut dans le Tibre
  • Politiques fassbindériennes de la crucifixion
  • Chapitre 2 - Ressorts: d’anciennes énergies collectives
  • Gramsci et le folklore
  • Crises de la présence
  • Masques de boue, gestes de deuil
  • L’ouverture d’un impensé
  • Registi demartiniani
  • Le fonds ethnologique du Vangelo pasolinien
  • «Anthropologie des survivances»
  • Fascinations eucharistiques
  • Politiques du schème communiel
  • Communions communistes
  • La querelle de la communion
  • Chapitre 3 - Apocalypses: un défaut eschatologique
  • Bikini
  • Apocalypses culturelles
  • L’apocalypse sans eschaton
  • Le champignon et la couronne
  • Du Golgotha à Hiroshima
  • Prométhée et la lutte des classes
  • La malle des Désastres
  • «Et ça, mon cher, ça n’est pas écrit dans Marx»
  • Messianismes marxistes
  • Sang révolutionnaire et sang christique
  • Conclusion: Dernières lueurs avant la fin de l’histoire
  • Dépassements et sécularisations
  • Cannibalisme ou Eucharistie
  • Les lucioles contre l’eschatologie néo-libérale
  • Crédits
  • In dex des noms
  • In dex des films

Remerciements

Ce livre est issu de ma thèse en études cinématographiques, rédigée à l’Université Lumière Lyon 2 entre 2015 et 2020; une telle aventure théorique suppose de multiples remerciements. À Luc Vancheri, qui en fut le guide idéal: son épanouissement doit beaucoup à la justesse, l’intelligence et la sagacité de sa direction. À Martine Beugnet, Isabelle Chareire, Jean-Michel Durafour et Benjamin Thomas, qui l’ont nourri de leurs conseils clairvoyants en me faisant l’honneur de participer au jury de ma soutenance. À Raphaël Jaudon, qui en a suivi tous les développements, de leur première formulation jusqu’à leur achèvement, et est ainsi devenu bien plus qu’un compagnon de thèse. Aux étudiants et étudiantes du département d’arts du spectacle qui furent le premier public, exigeant et bienveillant, de ses projections-test. À mes ami·es, de Lyon, Paris, Bruxelles, Pittsburgh ou ailleurs, à ma famille, qui auront largement contribué à ses inspirations. À Céleste qui, par temps clair ou sombre, fut toujours la première des lucioles.

IntroductionLa disparition des lucioles

«Les religions sont comme les verts luisants: pour briller, il leur faut de l’obscurité.» — Arthur Schopenhauer, Parerga et paralipomena (1851)

Des lucioles politico-religieuses

Le 1er février 1975, dans l’un de ses derniers articles publiés par le Corriere della sera, Pier Paolo Pasolini offrait les ultimes espèces métaphoriques et poétiques à son acerbe critique de la civilisation bourgeoise. Sous le nom de «disparition des lucioles», le poète et cinéaste élaborait un topos théorique aux ramifications complexes, dans lequel je propose de repérer la matrice permettant d’appréhender la période qui va de la toute fin des années cinquante jusqu’au milieu des années soixante-dix. En déplier toutes les surdéterminations, ce sera reconsidérer les aboutissants politiques, anthropologiques et esthétiques qui ont été au cœur d’une époque, d’une aire géographique, et d’une part de leur production intellectuelle et cinématographique. La thèse de Pasolini est désormais bien connue, et relativement simple, du moins quant aux données directement politiques qu’elle agrège.

Au début des années soixante, écrit Pasolini, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout à la campagne, à cause de la pollution de l’eau (fleuves d’azur et cristaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles […]. Ce “quelque chose” qui est intervenu il y a une dizaine d’années, nous l’appellerons donc la “disparition des lucioles”.1

La métaphore signale d’abord une situation de crise politique, en critiquant l’installation d’un «nouveau pouvoir» auquel le cinéaste offre les traits indéterminés de la société de consommation, coupable d’une transformation radicale de la substance du pouvoir2: sous les coups répétés de l’industrialisation à outrance, du mercantilisme libéral et d’une idéologie faussement hédoniste, se serait engouffré un système de dictature plus violente encore que celles qui dirigèrent l’Europe, car «conduisant à la mort certaine de ce qui, dans le monde et l’humanité, pouvait encore être aimé3». La «disparition des lucioles» vient donc symboliser la résurrection, sur les cendres encore fumantes du fascisme mussolinien, d’un néo-fascisme encore plus triomphant, plus infamant et plus dévastateur que son prédécesseur. C’est, du reste, par des termes issus directement de la tragique histoire récente du xxe siècle, que Pasolini allait décrire les effets destructeurs d’un tel coup d’État qui, malgré le mythe du bien-être qui le sous-tend, travaille encore aux mêmes buts que l’ancien pouvoir totalitaire: l’oppression et l’annihilation, jusqu’au «génocide4». Sur cet aspect, la critique pasolinienne reste familière d’autres diagnostics relevés par la philosophie politique d’obédience marxiste qui lui est contemporaine: nombreuses y sont les mises en garde contre une forme de totalitarisme qui ne prendrait plus la seule espèce d’un modèle spécifique de gouvernement, mais procèderait plutôt d’un système déterminé de production et de distribution5.

Résumé des informations

Pages
X, 250
ISBN (PDF)
9783034350228
ISBN (ePUB)
9783034350235
DOI
10.3726/b21989
Langue
français
Mots clés
Iconologie filmique Marxisme Anthropologie culturelle
Published
New York, Berlin, Bruxelles, Chennai, Lausanne, Oxford, 2024. X, 250 pp., 50 b/w ill.

Notes biographiques

Aurel Rotival (Auteur)

Aurel Rotival est docteur en études cinématographiques de l’Université Lyon 2, où il a enseigné l’esthétique du cinéma, l’iconologie et la théorie des images.

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Titre: Images-lucioles