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Le terroriste et le diplomate

Visions et enjeux de la diplomatie française dans la lutte contre le terrorisme

by Okan Germiyanoglu (Author)
©2024 Monographs 286 Pages

Summary

Pourquoi les guerres contre le terrorisme échouent-elles ? Depuis les interventions militaires en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Nord-Mali, les recommandations stratégiques formulées par les États occidentaux ont évolué de la criminalisation du terrorisme à son éradication par la force armée. Pourtant, la violence terroriste perdure.
En France, les diplomates sont chargés de l’élaboration de ces recommandations stratégiques. Or un clivage idéel apparaît : pourquoi certains d’entre eux soutiennent, par exemple, massivement l’intervention française au Mali, alors que d’autres se montrent beaucoup plus prudents, comme l’ancien ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin ?
L’ouvrage propose de résoudre cette énigme en scrutant l’univers mental des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay à l’aide d’un concept longtemps oublié de la science politique, le « code opérationnel » (Operational Code). C’est ainsi tout une « science » d’État sur le terrorisme qui est remise en question

Table Of Contents

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • SOMMAIRE
  • PRÉFACE
  • INTRODUCTION
  • Partie I: Les diplomates français dans le processus décisionnel
  • Chapitre I: Qui sont les diplomates français?
  • Chapitre II: Les diplomates au cœur du travail interministériel
  • Chapitre III: Hétérogénéité des positions et rivalités catégorielles
  • Partie II: Quelle vision pour quelle politique de défense?
  • Chapitre I: La vision ferme des énarques
  • Chapitre II: La vision politique des Orients
  • Chapitre III: Des visions inclassables? Les cas de Dominique de Villepin et de Jean-David Levitte
  • CONCLUSION
  • BIBLIOGRAPHIE
  • TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE

Cet ouvrage issu d’une étude qui a obtenu le prix de thèse de l’École doctorale des sciences juridiques et politiques de l’Université Lille 2 en 2015 est plus que jamais d’actualité en examinant le «contre-terrorisme» des diplomates français sous un angle inédit. Inédit d’abord car Okan Germiyanoglu observe la lutte contre le «terrorisme» via le prisme des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay qui étaient à l’époque plutôt à la marge dans ce domaine. Ce choix peut paraître surprenant mais s’avère à la lecture de l’ouvrage particulièrement pertinent. L’auteur ne veut pas nous révéler des secrets de la politique anti-terroriste française mais son intérêt est ailleurs. Il tente de comprendre pourquoi certains hauts fonctionnaires ont une approche nettement plus «musclée» envers les acteurs asymétriques que d’autres. Ainsi pourquoi certains hauts fonctionnaires et hommes politiques français soutiennent de manière massive l’intervention française au Mali et le bombardement en Syrie alors que d’autres se montrent beaucoup plus prudents comme l’ancien ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin? De manière idéal-typique, l’auteur identifie deux approches stratégiques dominantes chez les décideurs interviewés: l’une qui considère le «terrorisme» comme un fait criminel qu’il convient d’éradiquer via une stratégie dissuasive et punitive, l’autre plus politique considérant le terrorisme comme la continuation du conflit social par d’autres moyens et préconisant une approche stratégique globale dont les composantes diplomatiques et sociales ne sont pas absentes. Dès lors l’énigme est posée: comment comprendre le clivage stratégique des fonctionnaires français?

Pour éclaircir ces divergences, il était pertinent de s’intéresser à des acteurs qui ne sont pas toujours au cœur de la lutte anti-terroriste mais qui révèlent de ce fait d’autant plus aisément leurs préférences politiques et stratégiques. De cette manière détournée, ce travail contribue à comprendre pourquoi une grande partie des hauts fonctionnaires français et hommes politiques soutiennent des actions «contre-terroristes» qui de toute évidence retombent sur le territoire français comme un boomerang comme l’indique l’auteur:

«Nous avons souligné la pratique très importante d’une grammaire de la criminalisation de la violence terroriste par les énarques diplomates. (…) Nous supposons que la criminalisation des groupes terroristes tend plutôt à renforcer leurs actes de violence. Nous pourrions y voir une «prophétie autoréalisatrice», c’est-à-dire une politique antiterroriste qui construit une identité négative des groupes terroristes ciblés.».

Toutefois, loin de se contenter d’une critique de cette politique, ce travail creuse plus profondément dans l’univers mental des «lanceurs de boomerangs». L’instrument de ce travail de fouille dans l’univers mental est un concept longtemps oublié de la science politique à savoir celui de l’Operational Code (OPCODE) utilisé à l’origine dans les années cinquante par Nathan Leites pour détecter via une analyse qualitative de contenu la pensée politique des leaders soviétiques. Okan Germiyanoglu s’approprie ce concept de manière originale en l’appliquant moins à des acteurs individuels qu’à des acteurs collectifs (corps diplomatique) dont il examine soigneusement les divergences en termes de socialisation notamment entre ceux qui ont une formation plutôt abstraite, généraliste et juridique (les diplomates issus de l’ENA) et ceux qui ont une formation plus attentive aux réalités du terrain et aux particularités des acteurs (par exemple les diplomates issus d’INALCO). Ce concept remanié avec une approche constructiviste est pour ce sujet plus pertinent que celui de «référentiel» (Pierre Muller) dans la mesure où il permet de retracer avec des catégories précises et une méthodologie bien définie la carte mentale des décideurs (image professionnelle de soi, image de l’ennemi, le rôle de la force dans les relations internationales).

L’intérêt académique de cette étude consiste surtout à une remise en question audacieuse de l’analyse bureaucratique de Graham Allison réfutant l’idée simpliste selon laquelle les acteurs bureaucratiques défendent de manière mécanique les ressources, le pouvoir, l’autonomie et le prestige de leur institution. Allison avait, on se rappelle, donné une justification scientifique à l’idée selon laquelle l’opinion des acteurs dépend toujours de leur «position». De manière simplifiée, cela signifierait que les diplomates attentifs aux bonnes relations de leur nation avec les pays tiers seraient plus réticents à l’égard des actions contre-terroristes «musclées» que les militaires plus attentifs à la «sécurité» et aux promesses d’augmentations budgétaires pour la défense. Le travail d’Okan Germiyanoglu démontre de manière convaincante que la réalité est bien plus complexe et qu’Allison n’a pas réellement mené à bout le projet sociologique dans la mesure où les entités qui maximisent l’utilité (prestige, autonomie, ressources) sont certes plus réduites (des acteurs bureaucratiques, des décideurs centraux et non plus l’État) mais toujours animées par une même logique utilitariste. Contrairement à cette perspective, ce beau livre insiste sur le fait que les acteurs sont nécessairement socialisés dans un ensemble de croyances qui canalisent ce qu’ils perçoivent comme intérêt et qu’Allison assume à tort comme des logiques universelles qui méritent une contextualisation plus fine. Ce travail introduit justement une telle contextualisation via la «carte mentale» des décideurs.

Selon la thèse centrale et bien argumentée de l’auteur, la «vision du monde» des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay se structure dans la socialisation primaire, puis au sein de la formation académique (ENA, concours du cadre d’Orient) pour rester ensuite relativement imperméable aux influences «bureaucratiques» communément proposées. Okan Germiyanoglu démontre que la formation d’énarque favorise un stato-centrisme et une allégeance à la raison d’État qui à son tour conduit facilement au mépris et à une criminalisation des acteurs non-étatiques marginalisés. En revanche, les cadres du concours d’Orient sont plus attentifs aux logiques empiriques de la connaissance du terrain. Ce sont surtout les diplomates de cette formation qui comprennent l’aspect politique du «terrorisme» et les sources locales et sociologiques de ces violences. L’auteur démontre que ces diplomates du «terrain» comprennent intuitivement qu’un adversaire considéré comme criminel et indigne des revendications légitimes ne peut pas abandonner les armes. Le lecteur pourra lui-même se convaincre de la démonstration rigoureuse de cette thèse notamment via de nombreux entretiens extensifs que l’auteur a mené avec les hauts responsables du Quai d’Orsay avec un recul épistémologique exemplaire.

Au-delà de l’aspect purement académique, le travail d’Okan Germiyanoglu devrait aussi être lu par les responsables politiques et tous ceux qui réfléchissent à la formation des diplomates. La socialisation des énarques ne pêche pas seulement par son abstraction et l’esprit de corps mais aussi par un positivisme légal qui divise le monde de manière binaire en personnes-actions légales-bonnes et personnes-actions extra-légales criminelles. Elle ne tient pas compte du contexte social et historique et de la «vérité» simple que les acteurs interagissent donc qu’ils répondent souvent à la réponse d’une réponse et que la violence «terroriste» est avant tout le résultat d’une escalade. À cela s’ajoute une bonne dose d’arrogance instillée par l’appartenance à un corps hautement sélectif fondé apparemment sur une «science» d’État. C’est un mérite incontestable et précieux de ce travail de montrer que la socialisation des hauts fonctionnaires dans l’énarchie n’est pas seulement coûteuse en termes de ressources matérielles mais qu’elle favorise aussi des pertes inutiles en vies humaines et tout cela avec la bonne conscience de servir fidèlement la science et la République.

Thomas LINDEMANN

INTRODUCTION

Confronter le terrorisme à la diplomatie peut apparaître surprenant pour tout lecteur habitué aux analyses en matière de lutte, voire de guerre contre le terrorisme. De nombreux points de vue ont été développés à ce sujet: ceux des dirigeants politiques, des états-majors militaires, des experts sérieux ou autoproclamés du terrorisme d’inspiration islamiste. Cette tendance s’est déclenchée avec les attentats du 11 septembre 2001. Les attentats sur le territoire français en 2015 et 2016 n’ont fait que l’amplifier. Le présent ouvrage ne compte pas d’ailleurs détailler les mesures prises ces dernières années par le gouvernement français contre le terrorisme comme l’instauration de l’état d’urgence, ni de prédire sous quelle forme prendra le prochain «État islamique». Nous proposons ici une analyse de science politique, précisément axée sur la sociologie des relations internationales, à travers la vision des diplomates français sur la politique de lutte contre le terrorisme.

La littérature relative à la diplomatie française se focalise régulièrement sur l’histoire diplomatique, le corps juridique des diplomates, ou encore le fonctionnement interne du ministère des Affaires étrangères dénommé aussi «Quai d’Orsay»1. Quelques ouvrages personnels de diplomates (analyses politiques, mémoires) viennent compléter cet ensemble. Ces contributions sont précieuses; mais elles sont limitées dans l’analyse du rôle des diplomates dans le processus décisionnel et dans l’élaboration des politiques publiques2. La définition de la diplomatie est également variable selon l’acteur, le temps et le lieu. Deux définitions globales sont à retenir concernant la diplomatie contemporaine: la première est que la diplomatie est souvent assimilée à la politique étrangère. La seconde est qu’elle se résume à la pratique de la négociation afin d’atteindre un objectif autrement que par la coercition3. Dans leur introduction au Manuel de diplomatie4, Thierry Balzacq, Frédéric Charillon et Frédéric Ramel privilégient la deuxième définition, en la synthétisant de la manière suivante:

«(La politique étrangère) formule des objectifs que la diplomatie exécute»5.

La diplomatie est ici un outil qui permet de mettre en place des interactions dans le cadre de la politique étrangère d’un État6. Pour Laurence Badel et Stanislas Jeannesson, cette analyse réaliste de la diplomatie apparaît réductrice car l’état de l’art en France demeure axé, selon eux, sur des relations interétatiques et européocentrées7. Ce point de vue des partisans d’une «histoire globale»8 est pertinent, même si notre approche relève de la science politique. Tout en nous intéressant à l’élaboration de recommandations stratégiques par les diplomates français contre le terrorisme, nous proposons aussi une lecture renouvelée sur la diplomatie française.9

Néanmoins, leur rôle et leur influence dans la formulation des recommandations stratégiques contre le terrorisme restent difficilement mesurables. La nature des diplomates fait aussi débat. Sont-ils des acteurs politiques ou administratifs? Les deux à la fois? Les diplomates sont concurrencés aussi dans leur domaine par des experts, notamment dans la diplomatie multilatérale qui implique de nouveaux acteurs généralement non-étatiques (ONG, acteurs privés, etc.)10.

Nous considérons que les diplomates français contemporains:

  • sont des hauts fonctionnaires atypiques dont la nature politique nous invite à les considérer comme des agents influents en amont des décisions de politiques publiques. Ils ne peuvent pas être réduits à des agents administratifs en mission dont on étudierait seulement les pratiques;
  • ne sont pas que les représentants d’États en perte d’influence dans la mondialisation contemporaine11. Ils sont aussi et à la fois les spécialistes des relations internationales (bilatérales, multilatérales) et des experts d’un savoir global sur la politique étrangère dont laquelle ils jouent un rôle important dans son élaboration et son application12.

D’un point de vue normatif, la lutte contre le terrorisme est menée dans les domaines de la défense et de la sécurité intérieure et extérieure. Les diplomates sont autant mis à contribution dans ce processus que le personnel politique et militaire. Une première question est d’interroger le(s) savoir(s) qu’ils mobilisent pour formuler des recommandations dans la lutte contre le terrorisme. Une seconde question consiste à déterminer s’il existe ou non un «corporatisme à la française» au sens des travaux académiques de Bruno Jobert et Pierre Muller13. On ne peut pas ignorer que la diplomatie puisse comporter des intérêts corporatistes dans l’élaboration de la politique étrangère. Celle-ci peut faire l’objet d’une forte sectorisation, mais aussi d’un incontournable travail interministériel qui implique la confrontation de plusieurs ministères et groupes élitistes, tous invités à coopérer sans pourtant mettre de côté certaines rivalités. Une troisième interrogation se pose en conséquence sur la dimension prise par la politique de lutte contre le terrorisme: se résume-t-elle à des enjeux internes d’un État? Pour y répondre, nous proposons que la lutte contre le terrorisme ne soit pas examinée comme une politique menée exclusivement par un État unifié et monolithique ou bien par des acteurs animés d’intérêts uniquement rationnels et utilitaristes qui s’affronteraient à l’intérieur d’un État.

Cet ouvrage peut apparaître ainsi contre-intuitif, à rebours des analyses organisationnelles attribuant à tel ministère une influence déterminante sur le comportement de ses agents. Sans exclure l’apport de ces analyses, nous pensons qu’il n’existe pas forcément de pensée ou de savoir commun dans la lutte contre le terrorisme, mais plutôt des pluralités de savoirs dont l’action est déterminée par l’influence de «systèmes de croyances» de groupes de diplomates. Ces croyances peuvent se constituer tout au long du parcours de socialisation et de formation de ces derniers. Nous reconnaissons cependant que certaines pratiques routinières propres à une bureaucratie aussi rôdée qu’ancienne au sein du Quai d’Orsay perdurent. Par exemple, certaines recommandations stratégiques sont recopiées mot à mot d’une édition à une autre dans les différents livres blancs de la défense et de la sécurité, en particulier dans la définition de l’idéologie de l’ennemi terroriste14. Nous estimons pour autant que parmi les diplomates français qui contribuent aux recommandations stratégiques dans la lutte contre le terrorisme, plusieurs systèmes de croyances cohabitent sans s’opposer, voire se complètent dans cet objectif. Nous voyons principalement deux groupes, celui des énarques et celui des cadres d’Orient.

À partir des visions de ces deux catégories de diplomates, nous proposons dans cet ouvrage une analyse des évolutions récentes de la position diplomatique française dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Les diplomates, une élite à part entière

Agent représentant l’État, haut fonctionnaire et rouage donc indispensable de son fonctionnement, le diplomate est historiquement associé à sa mission de représentation dans le cadre des ambassades. Mais en France, cette normativité est également accentuée sous la Vème République par une cohabitation entre deux catégories spécifiques de diplomates: ceux issus de la prestigieuse École Normale d’Administration (ENA), voulue par le Général de Gaulle, et ceux issus du concours d’Orient (appelé aussi les «Orients»)15 institué sous la IIIème République. Ces deux catégories sont marquées par des intérêts bureaucratiques, parfois de rivalités dans la carrière, mais aussi de pouvoir dans la quête de postes que nous qualifierons de «conseillers du Prince», ce qui renvoie à la socialisation avec le personnel politique. Les diplomates français ne forment donc pas un groupe uniformisé, mu par une totale objectivité et un devoir de réserve à toute épreuve. Raymond Aron se plaignait sous la IVème République de leur influence trop grandissante sur le pouvoir politique16. Les diplomates forment un ensemble d’intérêts éclatés qui n’ignorent en rien les luttes pour des enjeux matériels. La carrière des diplomates français s’est forgée par rapport à la structuration institutionnelle et aux choix qu’ils ont dû faire pour avancer dans les échelons de l’administration du Quai d’Orsay. Comme le rappellent Françoise Piotet, Marc Loriol et David Delfolie, les diplomates se construisent une identité professionnelle au gré des institutions fréquentées et de la filière choisie entre l’ENA ou le concours d’Orient17. Le choix d’une de ces filières peut avoir aussi des conséquences sur leur propre vision du monde et du terrorisme. Un troisième concours généraliste (interne et externe) pour la catégorie A existe pour le poste de secrétaires des affaires étrangères. Le recrutement se veut plus généraliste et plus ouvert, même si le concours demeure très sélectif18.

Aborder les diplomates français à partir des appartenances catégorielles dans le cadre du processus décisionnel ne peut se faire sans revenir sur l’image qui entoure le ministère des Affaires étrangères. Considéré encore aujourd’hui comme un «prestigieux petit ministère»19, le Quai d’Orsay fait partie des premiers ministères régaliens mis en place sous l’Ancien Régime. L’influence d’un ministère des Affaires étrangères dans l’élaboration de la politique extérieure de son pays varie également d’un pays à un autre20. Dans ce domaine, le ministère français – comme son homologue britannique – dispose d’une influence importante en raison d’une tradition diplomatique ancienne et d’une politique étrangère qui est une prérogative constitutionnelle du chef de l’exécutif21. Historiquement, l’importance de nouer des relations avec les autres royaumes et empires consiste pour les monarques de l’Ancien Régime à désigner leurs ambassadeurs et à créer une administration chargée du travail diplomatique. À ce titre, ils recrutent leurs ambassadeurs parmi la noblesse, une distinction primordiale pour représenter le souverain. La réputation nobiliaire précède ici la qualité ou la compétence attendue en diplomatie. Soumise aux règles de la cour royale, cette diplomatie nobiliaire a-t-elle perduré dans le cadre de la diplomatie républicaine contemporaine? C’est sous la IIIe République ou «République parlementaire» que le métier de diplomate va se démocratiser et se professionnaliser, dans la mesure où la réputation ne suffit plus. Le régime républicain, encore en quête de légitimité face aux revendications des royalistes et des bonapartistes, se doit de professionnaliser ses diplomates, mais aussi de les rendre plus loyaux envers le régime par le biais des concours, symboles de la méritocratie républicaine. C’est également sous la République parlementaire que se développe une professionnalisation des cabinets ministériels, ainsi que dans le corps préfectoral. Les jeunes hauts fonctionnaires souhaitent de plus en plus servir la République et mettent en avant leur parcours professionnel dans la haute fonction publique pour monter les échelons. Dans une contribution sur la composition et la professionnalisation des administrateurs sous la IIIème République, Gildas Tanguy montre que les archives et les statistiques confirment une professionnalisation accrue de ces hauts fonctionnaires22. Celle-ci passe par le mérite sur «le terrain» et non par «des références ou des révérences appuyées à tel ou tel «parrain ministériel» (…), les amitiés, le passé, l’honorabilité, la flatterie ou même la loyauté»23.

Details

Pages
286
Publication Year
2024
ISBN (PDF)
9783034349376
ISBN (ePUB)
9783034349383
ISBN (Softcover)
9783034349369
DOI
10.3726/b21823
Language
French
Publication date
2024 (August)
Keywords
code opérationnel politique étrangère diplomatie guerre sécurité terrorisme violence internationale relations internationales constructivisme croyances émotions Quai d’Orsay défense France science politique histoire sociologie
Published
Bruxelles, Berlin, Chennai, Lausanne, New York, Oxford, 2024. 286 p., 2 ill. n/b.

Biographical notes

Okan Germiyanoglu (Author)

Docteur en science politique de l’Université de Lille (UDL), Okan Germiyanoglu est chercheur associé au Centre Thucydide (Université Paris-Panthéon-Assas). Enseignant en science politique et en relations internationales, il est directeur des études de la licence sciences sociales à l’Institut Catholique de Paris (ICP), campus de Reims.

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