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Littérature interculturelle en Europe

Nouvelles perspectives : écriture féminine et autofiction

de Margarita Alfaro Amieiro (Éditeur de volume) Beatriz Mangada (Éditeur de volume) Ana Belén Soto Cano (Éditeur de volume)
©2024 Collections 182 Pages

Résumé

Cet ouvrage collectif s’intéresse à l’importance stratégique des contributions littéraires dites xénographies féminines. Ces écrits ont pour but de dénoncer la discrimination, la marginalisation et l’intolérance tout en favorisant l’inclusion, la visibilité, l’émancipation et la démarginalisation des femmes étrangères en Europe. Au sein de cette représentation littéraire, l’autofiction s’avère être une voie de manifestation de l’écriture de soi.
Les contributions réunies dans ce volume composent une mosaïque de vies fragmentées inscrites dans l’entre-deux : entre ici et ailleurs, entre la biographie et la fiction, entre la littérature et la sociologie. Les oeuvres de Laetitia Colombani, Assia Djebar, Léonora Miano, Fatoumata Fathy Sidibé, Delphine Minoui, Loo Hui Phang et Maryam Madjidi offrent par conséquent une cartographie des littératures francophones, où apparaissent les influences d’origines diverses : l’Europe, le Maghreb, l’Afrique ainsi que le Moyen et l’Extrême-Orient.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Avant-propos
  • Présentation L’Europe : carrefour interculturel (Margarita Alfaro, Beatriz Mangada et Ana Belén Soto)
  • Partie I L’Europe : vers une cartographie littéraire interculturelle
  • Chapitre 1 De la migration comme thème romanesque (Jean-Marc Moura)
  • Chapitre 2 La solidarité : Les Victorieuses de Laetitia Colombani (Margarita Alfaro)
  • Partie II Maghreb et Afrique
  • Chapitre 3 L’écriture-femme et l’autofiction dans Assia Djebar (Maria Spiridopoulou)
  • Chapitre 4 Léonora Miano: identité afropéenne et écriture de soi (Vassiliki Lalagianni)
  • Chapitre 5 Léonora Miano, de la migrance à l’identité afropéenne (Arzu Etensel Ildem)
  • Chapitre 6 La Voix rebelle de Fatoumata Fathy Sidibé (Vicente E. Montes Nogales)
  • Partie III Moyen et Extrême-Orient
  • Chapitre 7 L’écriture engagée de Delphine Minoui (Beatriz Mangada)
  • Chapitre 8 Retour et identité dans L’imprudence de Loo Hui Phang (Diego Muñoz)
  • Chapitre 9 Centre et périphérie dans Pour que je m’aime encore (Ana Belén Soto)
  • Notices bio-bibliographiques
  • Titres de la collection

Avant-propos

Depuis le début des années 2000, les littératures de langue française « venues d’ailleurs » ont fait l’objet de nombreuses études. Si les corpus d’étude ont été diversement constitués, scindés parfois entre auteurs dits allophones et auteurs dits postcoloniaux, les approches théoriques ont, elles aussi, varié au gré des études sur les écritures migrantes, les littératures transnationales, les xénographies, l’exiliance, la migrance, autant de concepts convoqués pour se pencher sur les poétiques, les esthétiques de la différence et de l’écart, sur les notions d’entre-deux culturels et linguistiques, sur les positionnements de ces littératures dans le champ littéraire français au travers de leur intégration sociale et esthétique, etc.

Issues principalement des travaux du groupe de recherche ELITE (Plurilinguisme et Littérature Transculturelle en Europe), auquel l’on doit déjà de nombreux travaux sur les xénographies francophones, les contributions réunies ici inscrivent les littératures de la migration dans la perspective plus vaste de l’interculturel. Émanant de chercheurs espagnols, français, grecs et turcs qui prennent délibérément le parti de se pencher sur l’« entre » plus que sur l’écart, elles offrent une perspective critique elle aussi interculturelle et abordent la question de l’écriture de la migration tantôt à travers l’étude des poétiques à l’œuvre, tantôt à partir des motifs et des positionnements sociaux qu’ils véhiculent, mettant plus que jamais en évidence la conjonction voire l’interdépendance des poétiques et des enjeux sociaux.

Le choix de cet élargissement au concept plus vaste des littératures interculturelles se justifie au demeurant pleinement, tant le fait migratoire – ce passage si souvent abordé en terme parfois réducteur de déterritorialisation –, mais aussi ses motivations et ses origines géographiques, se sont modifiées depuis quelques années. Si jusqu’à la fin du vingtième siècle, une grande partie de ces textes était encore majoritairement marquée par l’expérience de l’exil politique d’un côté et de réactions postcoloniales de l’autre, les littératures interculturelles, de nos jours, sont d’origines plus variées, issues de motivations plurielles et sortent de tout schéma dichotomique. Cette nouvelle diversité appelle ainsi d’autres problématiques et discours, reposant moins sur l’opposition des blocs politiques et les formes de totalitarisme devant lesquelles on a fui, que sur la variété des expériences dans un contexte mondialisé, où les raisons de la migration, tenant tout autant à des facteurs familiaux ou personnels qu’à des contraintes collectives (oppressions politiques et religieuses) se sont diversifiées. Par ailleurs, le lent affaiblissement du writing back postcolonial, la banalisation de l’utilisation de la langue française et sa dissociation de plus en plus marquée de l’héritage colonial, rapproche les diverses productions qu’il est désormais plus aisé d’aborder au sein d’un même corpus dans des perspectives transversales, le corpus dit postcolonial ne s’opposant plus radicalement au writing in des auteurs allophones.

Les formes et les motifs ont donc considérablement évolué, comme en témoigne par exemple l’émergence, à la suite de L’Ignorance de Milan Kundera en 2000, du thème du retour, qui lorsqu’il est politiquement envisageable, est rendu impossible par le phénomène de la double acculturation ; ou l’amplification du motif de l’altérité intérieure, conçue tout à la fois comme une richesse culturelle mais aussi une source de marginalisation et de discrimination. Le recours à l’interculturel permet en effet d’intégrer les écrits des descendants de la migration, corpus toujours plus vaste et constitutif de la littérature française, à l’instar des littératures afropéennes, mais paradoxalement toujours objet de périphérisation sociale et symbolique dans une société minée par toutes sortes de fractures et de dérives identitaires.

La prise de parole féminine, son esthétique et sa thématisation dans ces littératures interculturelles, qui constitue la ligne directrice de ce volume collectif, ici déclinée à travers toute une série d’études de cas, participe pleinement de ces évolutions récemment mises en évidence dans diverses études. Dans le contexte français, marqué par la lenteur de la réception des subaltern studies et la réticence face aux perspectives intersectionnelles, les voix féminines ici évoquées viennent illustrer la complexité des structures oppressives et des déterminations culturelles auxquelles elles se heurtent. À défaut d’être acceptée comme modèle théorique, l’évocation de ces structures de domination s’invite dès lors dans le champ français par le biais de la représentation romanesque ou autofictionnelle, où elle trouve un accueil très favorable. Il est vrai que ces textes confirment cette image que l’Europe, et singulièrement la France, aime à contempler dans le miroir qu’ils lui tendent : celui d’un espace de liberté de parole, de geste et d’écriture pour les femmes, en particulier originaires du Sud global ou de l’espace défini comme oriental.

Le corpus ici présenté, qui traduit une aspiration réelle de nombreuses autrices à une liberté d’expression dans un espace démocratique, révèle aussi, et ce n’est pas là le moindre paradoxe ni le moindre point d’achoppement, le défaut d’hospitalité de nos sociétés. Déconstruisant les vieux fantasmes européens tels que véhiculés par l’exotisme ou l’orientalisme, elles invalident ou tout au moins relativisent aussi la vision narcissique et idéalisée d’une France de la liberté qui s’opposerait terme à terme aux espaces d’oppression. Soulignant le poids des dynamiques internes de périphérisation et des fractures françaises, ces littératures de l’espoir sont aussi des expressions de la désillusion et du malaise. Étudiant les difficultés du passage du statut d’objet de la représentation fantasmée à celle de sujet fragmenté de la prise de parole autofictionnelle, les contributions illustrent exemplairement la complexité de se dire lorsqu’on est femme venue d’ailleurs ou identifiée comme telle dans le champ français, et dévoile les ressources de l’autofiction, conçue comme un medium privilégié permettant à la femme de se dire. Entre voilement et dévoilement d’un sujet fracturé qui se cherche dans une écriture de la mémoire – et l’on retrouve en cela la double stratégie de la voix féminine djebarienne –, ces écritures de la délinéarisation et du corps, si « cixoussiennement » féminines, inaugurent les formes d’un nouvel engagement ou pour reprendre la terminologie récemment proposée par Justine Huppe, les modalités de nouvelles « littératures embarquées ».

Entretenant un doute sur la part de référentiel et de fictionnel, elles sont en effet d’autant plus prisées par le lectorat qu’elles peuvent être lues comme des témoignages et au-delà de leur élaboration esthétique, être perçues voire réduites à des prises de position sociales. Le grand mérite des études ici présentées est assurément d’éclairer leurs poétiques et de sortir ces textes de la tentation d’une interprétation étriquée et parcellaire, en nous invitant à aborder ces littératures de la fragilité, mais surtout de la résilience, à travers leur littérarité. Face aux délitements et vertiges du monde (écologiques, politiques, sociaux, religieux, etc.), elles nous invitent surtout à aborder les multiples facettes, politiques, sociales, culturelles et esthétiques d’une question qui s’apprête à devenir l’un des défis majeurs des prochaines décennies et qui sera assurément longtemps encore au cœur d’une très brûlante actualité.

Véronique Porra (Johannes Gutenberg Universität Mainz)

Présentation L’Europe : carrefour interculturel

Margarita Alfaro, Beatriz Mangada et Ana Belén Soto

Résumé des informations

Pages
182
Année
2024
ISBN (PDF)
9783034348829
ISBN (ePUB)
9783034348836
ISBN (Broché)
9782875749109
DOI
10.3726/b21681
Langue
français
Date de parution
2024 (Juin)
Mots clés
Littérature contemporaine interculturalité, Europe migration autofiction francophonie
Published
Bruxelles, Berlin, Chennai, Lausanne, New York, Oxford, 2024. 182 p.

Notes biographiques

Margarita Alfaro Amieiro (Éditeur de volume) Beatriz Mangada (Éditeur de volume) Ana Belén Soto Cano (Éditeur de volume)

Margarita Alfaro est professeure des Universités à l’Université Autonome de Madrid où elle enseigne la littérature française et les littératures francophones. Beatriz Mangada est maîtresse de conférences en littérature française et francophone et responsable de la formation FLE à l’Université Autonome de Madrid. Ana Belén Soto est enseignante-chercheure à l’Université Autonome de Madrid où elle enseigne la littérature française et francophone et la Didactique du FLE.

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Titre: Littérature interculturelle en Europe