Georges Pompidou, Robert Poujade et les défis de l’environnement
Le « ministère de l’impossible »
Résumé
Pour célébrer ce cinquantième anniversaire et à la mémoire de l’ancien ministre, l’Institut Georges Pompidou et le Comité d’histoire du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires ont organisé un colloque le 21 octobre 2021 à l’Académie d’Agriculture de France, mobilisant historiens, juristes et personnalités engagées de la société civile.
Communications et débats évoquent la création d’un ministère d’inspiration pompidolienne, les hommes et les équipes constituées pour enraciner une administration dédiée, les transferts et les enjeux à l’échelle européenne et mondiale, en ouvrant de nouvelles perspectives historiographiques qui contribuent au débat public.
L’ouvrage dresse le tableau d’une époque effervescente, celle de tous les possibles lorsqu’il fallait tout construire en matière d’environnement, tandis que les politiques publiques dans ce domaine s’organisaient progressivement en Europe et en Amérique du Nord.
Les auteurs décrivent l’énergie de jeunes équipes très engagées, les contradictions mais aussi la clarté et le caractère prophétique du discours présidentiel (Chicago, 28 février 1970), ainsi que les tensions entre croissance et préservation de l’environnement qui recoupent les enjeux de la puissance française que le chef de l’État cherche à préserver absolument, alors que se dessine la transition énergétique dans le contexte de la crise de 1973 justifiant pleinement le lancement du premier grand plan nucléaire civil français.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos des directeurs de la publication
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Introduction
- Georges Pompidou et l’environnement
- La question environnementale dans les années 1960
- La création du premier ministère de l’environnement : entre mécaniques juridiques et faits politiques
- Robert Poujade : un choix de Georges Pompidou ?
- Le cabinet Robert Poujade1
- Un embryon d’administration
- Le ministère Poujade et la naissance d’une politique publique de l’environnement
- Du ministère Poujade au ministère d’Ornano. Quels héritages?
- La création du ministère de l’Environnement en 1971 : Perspectives comparées et internationales
- Table ronde
- Conclusions
- Titres de la collection
Introduction
Nous soufflons cette année (2021) les cinquante bougies du ministère de la Transition écologique, et l’écologiste que je suis regarde avec émotion vers cette année 1971. Cette année où le « ministère de l’impossible », pour reprendre les mots de Robert Poujade, est né.
Mon illustre prédécesseur citait souvent Châteaubriand qui, à la fin de ses Mémoires d’outre-tombe, décrivait le monde comme pris entre deux impossibilités : l’impossibilité du passé et l’impossibilité de l’avenir. C’est précisément le but de notre action : ne pas se laisser tétaniser par la nostalgie du passé ou par la crainte de l’avenir ; ne céder ni au catastrophisme ni au découragement. Bref, rendre l’avenir possible. Je suis donc très heureuse que cette journée d’étude soit l’occasion de revenir sur le rôle majeur de ces deux grands hommes que sont Georges Pompidou et Robert Poujade qui, en 1971, ont décidé d’agir en posant les jalons d’un souffle politique nouveau. C’est en effet une page unique de notre histoire qui s’est ouverte quand, le 7 janvier 1971, Georges Pompidou crée un ministère inattendu. Il a alors agi en homme d’avenir. Comme il le disait lui-même, « il ne suffit pas d’être un grand homme. Il faut l’être au bon moment ». En 1971, ce moment était venu.
Pour relever ce nouveau défi, Georges Pompidou nomme Robert Poujade ministre chargé de la protection de la nature et de l’environnement. Je voudrais aujourd’hui rendre hommage à cet homme à la détermination rare, qui nous a quittés il y a quelques mois. Robert Poujade, pour moi, ce sont des mesures fortes : les premières décisions de protection du littoral, la diminution du plomb contenu dans l’essence, mais aussi la création d’un fichier national des cartes grises pour pénaliser les citoyens qui abandonnent leur vieille voiture en pleine nature. Celui qui a qualifié notre ministère de « ministère de l’impossible » ne s’est jamais laissé ←9 | 10→décourager. À l’époque, Robert Poujade, accompagné d’une équipe de pionniers passionnés par leur combat, s’est attelé à la tâche : imaginez, seulement quelques centaines de personnes, avec des moyens financiers limités. Tout le cabinet était, au départ, installé au ministère de la Marine, place de la Concorde. Ils se partageaient un espace restreint, séparé par un système de paravents.
Nous avons donc fait bien du chemin jusqu’à aujourd’hui, car cinquante ans plus tard, le ministère de la Transition écologique est l’un des plus importants du gouvernement. Qui aurait cru, en 1971, que nous travaillerions aujourd’hui sur des sujets aussi variés que les énergies renouvelables, les transports, le logement, l’hydrogène, la protection de la biodiversité ou encore la lutte contre le gaspillage ? Je ne peux pas, ici, être exhaustive.
Cette diversité qui fait, à mon sens, toute la richesse de cette maison, nous la devons aux femmes et aux hommes dévoués qui, chacune et chacun, ont apporté leur pierre à l’édifice. Ce fut notamment, et je ne pourrai malheureusement pas les citer toutes et tous, la ministre Huguette Bouchardeau, qui a fait adopter la première loi importante sur l’enquête publique. C’est aussi Brice Lalonde, qui a élargi les compétences du ministère à la prévention des risques et qui a contribué à diffuser en France le rapport Brundtland.
Aujourd’hui, cette grande aventure de la Transition écologique n’est qu’à son commencement. Nous l’écrivons chaque jour, par exemple avec la « loi climat et résilience », grâce à laquelle nous faisons définitivement entrer l’écologie dans la vie des Français.
Nos combats sont bien sûr loin d’être terminés. Le prochain chantier, c’est l’international. Nous avons déjà avancé il y a quelques semaines avec le Congrès mondial de la nature, qui s’est tenu à Marseille. La COP 26 de Glasgow, qui aura lieu dans une dizaine de jours, et la COP 15 biodiversité, qui doit se tenir à Kunming l’année prochaine, sont autant de rendez-vous déterminants pour construire l’écologie de demain. Finalement, n’est-ce pas aussi en dehors de nos frontières que nous avons toujours fait des pas de géant ? Après tout, c’est bien à Chicago que Georges Pompidou, un an avant la création de notre ministère, appelait à un engagement de tous, des États et des individus, pour que la Terre demeure habitable à l’homme.
Je vous remercie pour votre présence à cette rencontre.
Merci de faire vivre cet héritage qui nous rassemble.
Georges Pompidou et l’environnement
Parmi les discours que Georges Pompidou consacre à l’environnement et ceux où l’environnement est un des thèmes abordés, environ une petite dizaine, il en est un qui, sans avoir à court terme marqué les esprits, peut être considéré comme assez prophétique : il s’agit du discours rédigé de sa main et prononcé à Chicago lors du voyage officiel aux États-Unis du 23 février au 3 mars 1970, en compagnie de son épouse Claude.
Ce discours, connu aujourd’hui sous le nom de « discours de Chicago », qui date du 28 février 1970 a eu une influence bien au-delà, et d’abord sur celui qui a été le premier ministre de l’Environnement, Robert Poujade, nommé par le Président le 7 janvier 1971. Robert Poujade analyse le discours en ces termes : « Aujourd’hui encore le discours (de Chicago) tient parfaitement la route. Ce sont les bases de la politique française de l’environnement. […] On ne peut pas dire que cela ait frappé l’opinion. Je m’en suis servi comme d’un texte fondateur. Pompidou avait vraiment tout compris. »1
Pourtant le contexte n’était guère favorable : le couple présidentiel avait été vivement pris à partie, conspué et bousculé à son arrivée à l’hôtel par des opposants à la politique française au Moyen-Orient et plus particulièrement à la vente par la France d’avions Mirage à la Libye. Ils avaient même failli quitter le pays et il avait fallu l’intervention du président Nixon pour sauver la situation.
Toutefois, dans ce contexte difficile, le Président tentait dans une perspective globalisante de donner une dimension philosophique à l’environnement en l’articulant à sa vision humaniste. Comme l’écrit Robert ←11 | 12→Poujade dans ses souvenirs, « dans la conscience de Georges Pompidou, il s’agissait d’une recherche à travers les contradictions des sociétés et des civilisations modernes, de ce qu’on appelle des valeurs dans le langage philosophique »2, car l’avenir disait le président de la République :
Résumé des informations
- Pages
- 166
- ISBN (PDF)
- 9782875747372
- ISBN (ePUB)
- 9782875747389
- ISBN (Broché)
- 9782875747365
- DOI
- 10.3726/b20292
- Langue
- français
- Date de parution
- 2022 (Décembre)
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 166 p.