Aider les Acadiens ?
Bienfaisance et déportation 1755-1776. Préface de Martin Pâquet
Résumé
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sur l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Remerciements
- Table des matières
- Préface
- Introduction
- Première partie. La bienfaisance envers les Acadiens
- Chapitre I. Qu’est-ce que la bienfaisance ?
- 1. Le contexte des Lumières philosophiques
- 2. La bienfaisance dans la culture
- 3. L’importance de la Franc-maçonnerie
- 4. La diffusion des Lumières écossaises en Amérique du Nord
- Chapitre II. D’ « Acadien » à « réfugié »
- 1. Les Acadiens avant la guerre de Sept Ans (1713-1755)
- 2. La perspective puritaine sur les Catholiques et les Français
- 3. La déportation : regards sur l’ennemi
- 4. L’arrivée dans les colonies d’Amérique du Nord : perceptions du réfugié
- Chapitre III. La bienfaisance des élites politiques britanniques après la déportation
- 1. Le lieutenant-gouverneur Thomas Hutchinson
- 2. La bienfaisance contestée
- Deuxième partie. La bienfaisance en Nouvelle-Angleterre, au Canada et en France
- Chapitre IV. Penser la bienfaisance dans un contexte de charité
- 1. Exiger l’ordre : l’assistance des bureaux d’Overseers et Selectmen
- 2. Le rôle du bienfaiteur
- 3. La mise au travail : réconcilier les exigences d’ordre et de bienfaisance
- 4. Intégrer les Acadiens à la société
- 5. La charité catholique au Canada
- Chapitre V. La bienfaisance en débats
- 1. Aider : un interventionnisme comme un autre ?
- 2. Rassembler un peuple
- 3. Bienfaisance et Lumières économiques en France
- Conclusion
- Bibliographie
- Titres de la collection
La proximité du passé et du présent
Toute histoire est contemporaine, signalait naguère Benedetto Croce. Pour les historiens, cette proximité entre les temps passé et présent relève de deux registres.
Il y a d’abord celui de la trace ou de la séquelle. Des faits et des événements du passé agissent toujours sur la matière du présent, que ce soit sur le plan de l’action ou de la mémoire. Ces faits et ces événements passés forment le contenu de l’expérience des individus et des communautés. Ils provoquent des ruptures avec le temps jadis, orientent les choix actuels, circonscrivent l’espace des possibles pour l’avenir. Ils sont aussi remémorés par chacun et, partagés avec d’autres, constituent le socle de l’appartenance communautaire. Sous les formes de la trace et de la séquelle, ces faits et ces événements restent proches de notre monde contemporain puisqu’ils appartiennent à notre univers de sens.
Il y a ensuite celui du questionnement historien grâce à sa congruence avec l’actualité. Les historiens ne sont pas des êtres désincarnés, détachés du monde sensible et drapés dans le cocon de leur érudition d’archivage. Comme citoyens, ils sont concernés par la vie de la Cité. Les enjeux contemporains les interpellent de multiples façons. En innervant leur curiosité, ces enjeux fournissent souvent l’amorce de leurs travaux. On le remarque avec les sujets novateurs et les nouveaux champs de l’historiographie, passant de l’histoire environnementale à celles du politique, du genre, de la famille, de la culture, des loisirs, des émotions, des communications, des migrations, de l’urbanisation et de combien d’autres thématiques tout aussi pertinentes. Sous l’impulsion de leur curiosité affutée par les enjeux du temps présent, les historiens revisitent des faits et des événements anciens. Ils en proposent une lecture renouvelée qui, sans remettre en cause la réalité humaine de naguère, en dévoile des aspects méconnus jusqu’alors. Ils répondent dès lors aux interrogations et aux attentes de leurs concitoyens. Grâce à la pertinence ← 11 | 12 → de leur enquête historique, les historiens assurent ainsi à ces faits et ces événements anciens une résonnance, une proximité avec notre temps.
Ce livre que vous avez entre les mains, relève de ces deux registres de proximité entre le passé et le présent. En revisitant l’événement central de leur histoire – la Déportation de 1755 et ses séquelles –, Adeline Vasquez-Parra nous permet de mieux comprendre l’expérience historique des Acadiens du XVIIIe siècle, une expérience qui a des échos encore aujourd’hui. Elle explore les nombreuses traces issues des traumatismes du passé, pour mieux cerner l’appartenance identitaire de ce peuple, une appartenance s’inscrivant dans le temps – l’avant et l’après-1755 – et dans l’espace. En effet, l’expérience historique acadienne est du fait de la Déportation, celle d’une diaspora d’expulsés et de réfugiés où, des établissements originels dans les Maritimes, elle se disperse de force dans d’autres espaces : ceux de la Nouvelle-Angleterre, du Canada et de la France. Dès lors, la Déportation oblige ainsi à une reconfiguration brutale de l’appartenance collective et à une redéfinition de Soi au regard de l’Autre. Au moment de ce rude contact, les dispositions de l’Autre, qu’elles soient généreuses ou mesquines, ont donc des incidences profondes sur Soi. S’appuyant sur un corpus documentaire exhaustif composé de sources peu ou prou explorées, avec une impartialité scientifique qui n’exclut pas l’empathie, l’étude d’Adeline Vasquez-Parra reconstitue finement cet univers de sens, constitué par les circonstances de la Déportation et l’expérience doublement traumatique des Acadiens : celles de la dépossession et de l’exil. Elle pourvoit fortement aux apports des connaissances sur le sujet, à l’instar des travaux contemporains de Carl Brasseaux, John Mack Faragher, Naomi Griffiths, Christopher Hodson, Ronnie-Gilles LeBlanc et Geoffrey Plank. Enfin, la reconstitution méticuleuse et analytique des faits et événements de la Déportation permet à cet univers de sens d’être accessible à la compréhension contemporaine, d’être proche de nous malgré les vicissitudes du passage du temps.
Le livre d’Adeline Vasquez-Parra ressortit aussi, et c’est là l’un de ses grands mérites, au second registre de la proximité entre passé et présent : celui de la congruence du questionnement historien avec les enjeux actuels. Le monde d’aujourd’hui connait les réalités de la grande remue des peuples, des flux migratoires transnationaux et des conflits engendrant de multiples déplacements forcés. Puisqu’ils renvoient aux conditions d’appartenance, de participation et d’épanouissement dans la Cité, les défis de l’accueil de l’Autre sont d’une brulante actualité politique. Ils interpellent les citoyens, et au premier chef les historiens ← 12 | 13 → sensibles à la demande sociale. Qu’entendons-nous par accueil et par hospitalité ? Comment peut-on établir des normes assurant le maintien de Soi et l’ouverture à l’Autre ? Avons-nous des précédents sur lesquels nous pouvons nous inspirer pour orienter notre action présente ? Par son étude en histoire de la culture politique, Adeline Vasquez-Parra donne une clef à ces interrogations avec son exploration de la bienfaisance, qu’elle prend soin de bien contextualiser pour en relever la portée opératoire. Issue des Lumières – donc contemporaine à la Déportation –, la bienfaisance se constitue en norme valorisée de comportement. Elle réduit les séquelles des traumatismes, aménage le rapport entre le Soi et l’Autre, établit les règles du vivre-ensemble qui sont au cœur de la Cité. Par ses prodromes et ses développements, la bienfaisance permet aussi de mieux saisir l’expérience acadienne au regard d’un phénomène mondial, celui de l’Ère des Révolutions. Les Lumières, entre autres britanniques et américaines, constituent l’univers culturel et les valeurs orientant la désignation des Acadiens comme un peuple bénéficiant de la bienfaisance. De cette relecture critique qui joue des échelles d’observation, se dégage une interprétation neuve et stimulante, prolongeant les acquis de l’historiographie mais répondant aussi aux attentes contemporaines des citoyens.
Somme toute, Aider les Acadiens ? Bienfaisance et déportation, 1755-1776 est une analyse fine, documentée et novatrice. Elle procure au lecteur une compréhension éclairante d’une expérience diasporale à la fois singulière et universelle : celle des Acadiens au moment du principal drame de leur histoire. En étudiant l’impact de la bienfaisance, elle pose un questionnement universel, celui de la définition du Soi par les valeurs de l’Autre et, plus particulièrement, d’une communauté de réfugiés par la valorisation de l’accueil et de la bienfaisance. Ce thème intemporel résonne aussi au regard de l’actualité immédiate : les réfugiés de Syrie ou du Myanmar furent auparavant ceux d’Acadie. Au confluent des deux registres de la proximité entre le passé et le présent, le livre d’Adeline Vasquez-Parra fait montre ici de toute la pertinence sociale de la discipline historique dans notre monde contemporain.
Martin Pâquet,
Professeur titulaire en histoire,
CIEQ et CEFAN
De 1755 à 1776, c’est-à-dire de leur déportation de Nouvelle-Écosse1 à l’aube de la révolution américaine, les « Acadiens », descendants de colons français peuplant l’ancienne colonie française d’Acadie, sont l’objet d’interrogations multiples à propos de leur identité. Ces interrogations émanent principalement de leurs nouveaux administrateurs britanniques, car même si ces derniers traitent de leur identité dans des textes de lois, rien n’est encore définitivement établi. Après avoir été massivement déportés, sont-ils encore des prisonniers de guerre ? Des réfugiés ? Des habitants britanniques d’une ancienne colonie française ? Des Français d’une nouvelle colonie britannique ? Pourquoi finalement choisir de désigner un peuple qu’il faut aider ?
Cet ouvrage revient sur le cheminement à la fois social et politique de la détresse vécue par les Acadiens déportés dans les colonies britanniques et principalement en Nouvelle-Angleterre, carrefour de nombreux déplacements atlantiques2. Répondre à la détresse, c’est la représenter en établissant des seuils voire des hiérarchies entre aidants et aidés qui ont des conséquences non seulement sur la façon dont le groupe vit son rapport aux autres mais également sur la façon dont il se conçoit lui-même3. L’aide pourvue par les administrateurs britanniques envers les Acadiens, liée à l’émergence de la bienfaisance au XVIIIe siècle, nous conduira à analyser leurs motivations mais aussi les effets sur les représentations identitaires du groupe acadien. Par ailleurs, la bienfaisance part d’une ouverture à la souffrance de l’Autre mais est souvent dispensée à des fins politiques. Cet ouvrage souhaite rendre compte de cette ambiguïté ← 15 | 16 → inhérente à la bienfaisance quand elle se concrétise dans l’acte politique d’aider, entrechoquant l’idéal qu’elle incarne : faire du bien – parfois aussi faire le Bien en ce que l’action de bienfaisance s’ancre dans une nouvelle morale – et le pragmatisme de l’action4.
En français, le terme « bienfaisance » est défini en 1725 par le dictionnaire de Trévoux comme « la pratique de la bonté, de la générosité, de la charité »5. La charité, vertu centrale à la théologie chrétienne, se caractérise dans cette dernière comme une dilection totale vouée au bien d’autrui, équivalent de la caritas latine et de l’ἀγάπη grecque. L’apôtre chrétien Paul décrit en ces termes la charité dans la première épître aux Corinthiens :
La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n’est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout6.
Résumé des informations
- Pages
- 206
- Année de publication
- 2018
- ISBN (PDF)
- 9782807609785
- ISBN (ePUB)
- 9782807609792
- ISBN (MOBI)
- 9782807609808
- ISBN (Broché)
- 9782807609778
- DOI
- 10.3726/b14963
- Langue
- français
- Date de parution
- 2018 (Décembre)
- Publié
- Bruxelles, Bern, Berlin, New York, Oxford, Warsawa, Wien, 2018, 206 p., 2 ill. b/w, 3 tab. b/w
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