Maîtres, précepteurs et pédagogues
Figures de l’enseignant dans la littérature italienne
Summary
Excerpt
Table Of Contents
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos des directeurs de la publication
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Introduction (Stefano Lazzarin / Agnès Morini)
- Une approche thématique (et thématologique)
- Une approche socio-historique
- Une approche narratologique ou générique
- Une approche psychologique
- Partie I L’École italienne de l’Unité à nos jours I / Jalons
- I maestri del cuore. Splendori e miserie della professione docente da De Amicis a Recalcati (Marina Polacco)
- Gli esordi di un genere letterario
- Il ‘panopticon’ deamicisiano
- L’apoteosi dei buoni sentimenti
- Tentazioni romanzesche
- Il romanzo di formazione di un maestro
- Epilogo: insegnare col cuore?
- Epicità e antiepicità della figura dell’insegnante italiano (Cinzia Ruozzi)
- Il satrapo infelice. Sull’emersione rovinosa della sessualità nella vita e nei comportamenti pubblici dell’insegnante (Giulio Iacoli)
- Prologo: motivazioni
- Un antecedente/capostipite illustre: Pirandello, la chiacchiera paesana, la libertà illusoria
- Ritornando a ridere: Mastronardi e l’agro dopo-scuola
- Nella mente assediata
- Per concludere: ultime, stanche vicende del tiranno impotente?
- Le Tribolazioni di un insegnante di Ginnasio di Placido Cerri (Diego Stefanelli)
- Tra i banchi della scuola postunitaria.Il Romanzo d’un maestro di Edmondo De Amicis (Matteo Grassano)
- L’ «educazione del cuore»
- La questione sociale
- Dal maestro idealistico al maestro disincantato (Elisabetta Vianello)
- La figure de la maîtresse d’écoledans l’œuvre de femmes écrivains (Ambra Zorat)
- Introduction : école, femmes et littérature
- Matilde Serao : une analyse lucide de la formation et du destin des institutrices
- Clarice Tartùfari : de l’enthousiasme à la déception et aux regrets
- Elvira Mancuso : la punition de la revendication d’indépendance
- Conclusion : émancipation et obstacles
- « Santi, poeti, navigatori »…Les avatars du maître précepteur dans la littérature italienne du second après-guerre (Sarah Amrani)
- Maestri negati e maestri ricercati nella prosa dei «giovani scrittori» degli anni Novanta sull’esempio di Jack Frusciante è uscito dal gruppo di Enrico Brizzi (Barbara Kornacka)
- Enrico Brizzi un molto «giovane scrittore»
- Jack Frusciante è uscito dal gruppo
- Polo negativo – autorità negate
- Polo positivo – autorità ricercate
- Concludendo
- Partie II L’École italienne de l’Unité à nos jours II / Parcours
- Les figures de l’enseignant dans l’Histoire : le cycle des Uzeda de Federico De Roberto (Léa Passerone)
- L’évolution involutive de la figure du maître
- Démystification, critique et pessimisme
- Conclusion
- Bontempelli, «Socrate moderno». Dal ritratto del maître al rifiuto del maître à penser (Beatrice Laghezza)
- La bataille futuriste de Marinetti et de Papini contre les professeurs (1905–1921) (Sylvie Viglino)
- Contre les professeurs
- Deux professeurs à abattre
- Raisons et enjeu de la bataille
- La casa in collina : une leçon particulière (Walter Geerts)
- Maestri contro: le figure degli insegnanti nella letteratura sarda contemporanea (Laura Nieddu)
- Da custode a educatore: l’insegnante in Paolo Volponi (Mauro Candiloro)
- La scuola del terrore
- La scuola peri-istituzionale
- La scuola immobile
- La parola contraria
- Per la strada
- Educare alla trasformazione del reale
- Quand le maître est un « frère ».Umberto Eco, Le nom de la rose (Brigitte Poitrenaud-Lamesi)
- Un arrière-fond franciscain
- Un modèle d’éducation fraternelle
- La figure du Giullare, éducateur iconoclaste
- Actualité d’une éducation par l’exemple
- Comment l’esprit vient aux femmes :le personnage atypique du Professeur Jsaya dans les romans autobiographiques de Goliarda Sapienza (Alison Carton-Vincent)
- À élève atypique, maître atypique
- Entre grandeur et ridicule, un maître tout en contradictions
- De Goliarda élève de Jsaya à Sapienza auteure
- Conclusion
- Devenirs, allers-retours des livres aux corps :maîtres, précepteurs, pédagogues de Cesare Segre (1928–2014) à Massimo Recalcati (1959–) (Pérette-Cécile Buffaria)
- Il sopravvissuto d’Antonio Scurati ou « prof », un métier à hauts risques (Hans Hartje)
- Un school shooting peu commun
- Conclusion
- Partie III L’École italienne avant l’Unité Rebours (Hartje Hans)
- «Li libbri nun zo’ robba da ccristiano».Istruzione e pedagogia nei Sonetti di Giuseppe Gioachino Belli (Marialuigia Sipione)
- Un poetaplurilingue per una plebe analfabeta: Giuseppe Gioachino Belli e i trasteverini
- Belli pedagogo: il figlio Ciro e Matilde Perozzi
- Alta nobiltà e infima qualità: l’istruzione per i ricchi
- Le scuole per i popolani
- La pedagogia pragmatica dei popolani
- Pancia piena e testa vuota: la diffidenza per la parola scritta
- La figura del maestro nell’opera poeticadi Domenico Tempio (1750–1821) (Chiel Monzone)
- Un ‘contre-Maître’ pour Alcibiade.À l’école de la perversion (Agnès Morini)
- Sur Alcibiade fanciullo a scola d’Antonio Rocco (1631)
- Li Xitai, Matteo Ricci Maître d’Occident en Chine : construction d’une figure hybride de l’enseignant entre expérience scripturaire et fable mystique (Vito Avarello)
- Figure del pedante nella commedia del Cinquecento (con un’ipotesi su una fonte plautina) (Federica Greco)
- Tipi e caratteristiche dell’insegnante pedante nelle commedie della prima metà del Cinquecento
- Parlare in bus e bas. Osservazioni sul linguaggio pedantesco
- L’influenza di un personaggio plautino sulla Calandria e la figura del pedante
- Il maestro lunare di Ariosto tra maestri terreni, canone, rovesciamenti e propaggini novecentesche (Ilaria Batassa)
- Cattive maestre. Donne e streghe nel Baldus di Folengo (Mirco Bologna)
- Bibliographie
- 1. Corpus des œuvres explorées
- 1.1. Antérieures à Cuore (par ordre chronologique des éditions principes)
- 1.2. De Cuore à nos jours (par ordre alphabétique d’auteurs)
- 2. Orientations critiques (des ouvrages les plus anciens aux plus récents)
- Notices bio-bibliographiques
- Titres de la collection
Stefano Lazzarin & Agnès Morini (éds.)
Maîtres, précepteurs et pédagogues
Figures de l’enseignant dans la littérature italienne
Leia
Université de Caen
Vol. 38 – 2017
Bern • Berlin • Bruxelles • Frankfurt am Main • New York • Oxford • Wien
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ISBN 978-3-0343-2105-1 br. ISBN 978-3-0343-2531-8 EPUB ISSN 1660-1505 br. |
ISBN 978-3-0343-2530-1 eBook ISBN 978-3-0343-2532-5 MOBI ISSN 2235-638X eBook DOI 10.3726/b10658 |
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À propos des directeurs de la publication
Stefano Lazzarin est Maître de Conférences d’Italien à l’Université Jean Monnet, Saint-Etienne. La littérature fantastique italienne et la définition du fantastique représentent ses centres d’intérêt principaux.
Agnès Morini est Professeur des Universités en Italien à l’Université Jean Monnet, Saint-Etienne. Ses recherches portent essentiellement sur la littérature italienne de l’âge baroque.
À propos du livre
L’ouvrage analyse les représentations littéraires de celui qui incarne l’autorité par sa maîtrise de la culture et du langage, l’enseignant, qui a une longue histoire dans la littérature italienne, depuis l’Atlant du Roland Furieux en passant par les pédagogues de la comédies du XVIe s. et les précepteurs du XVIIIe s. (Parini, Il giorno), les maîtres d’école du roman du XIXe s., jusqu’aux fréquentes variations sur le thème dans la littérature du XXe s. Si Atlant est un sage, aux facultés supérieures voire magiques, le précepteur de la comédie n’est qu’une caricature, comme le pédagogue vaniteux et pédant du XVIIIe s. Puis le maestro se transforme en figure du malheur : suspendu dans une position ambiguë, entre maître et serviteur, il suscite la suspicion et l’envie ; plein d’ambitions frustrées, il ne dispose que de sa culture et de son talent pédagogique pour tenter d’échapper à son rôle subalterne. Pour le XXe s., entre autorité reconnue ou contestée, les exemples retenus sont nombreux : G. Mosca, Ricordi di scuola ; L. Mastronardi, Il maestro di Vigevano ; N. Ginzburg, Lessico famigliare ; la lettre à Gennariello des Lettere luterane de Pasolini, etc.
Pour référencer cet eBook
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Table des matières
Stefano Lazzarin & Agnès Morini
Partie I
L’École italienne de l’Unité à nos jours
I/ Jalons
I maestri del cuore. Splendori e miserie della professione docente da De Amicis a Recalcati
Epicità e antiepicità della figura dell’insegnante italiano
Il satrapo infelice. Sull’emersione rovinosa della sessualità nella vita e nei comportamenti pubblici dell’insegnante
Le Tribolazioni di un insegnante di Ginnasio di Placido Cerri
Tra i banchi della scuola postunitaria. Il Romanzo d’un maestro di Edmondo De Amicis
Dal maestro idealistico al maestro disincantato
La figure de la maîtresse d’école dans l’œuvre de femmes écrivains←5 | 6→
« Santi, poeti, navigatori »… Les avatars du maître précepteur dans la littérature italienne du second après-guerre
Maestri negati e maestri ricercati nella prosa dei «giovani scrittori» degli anni Novanta sull’esempio di Jack Frusciante è uscito dal gruppo di Enrico Brizzi
Partie II
L’École italienne de l’Unité à nos jours
II/ Parcours
Les figures de l’enseignant dans l’Histoire : le cycle des Uzeda de Federico De Roberto
Bontempelli, «Socrate moderno». Dal ritratto del maître al rifiuto del maître à penser
La bataille futuriste de Marinetti et de Papini contre les professeurs (1905–1921)
La casa in collina : une leçon particulière
Maestri contro: le figure degli insegnanti nella letteratura sarda contemporanea
Da custode a educatore: l’insegnante in Paolo Volponi←6 | 7→
Quand le maître est un « frère ». Umberto Eco, Le nom de la rose
Comment l’esprit vient aux femmes : le personnage atypique du Professeur Jsaya dans les romans autobiographiques de Goliarda Sapienza
Devenirs, allers-retours des livres aux corps : maîtres, précepteurs, pédagogues de Cesare Segre (1928–2014) à Massimo Recalcati (1959–)
Il sopravvissuto d’Antonio Scurati ou « prof », un métier à hauts risques
Partie III
L’École italienne avant l’Unité
Rebours
«Li libbri nun zo’ robba da ccristiano». Istruzione e pedagogia nei Sonetti di Giuseppe Gioachino Belli
La figura del maestro nell’opera poetica di Domenico Tempio (1750–1821)
Un ‘contre-Maître’ pour Alcibiade. À l’école de la perversion
Li Xitai, Matteo Ricci Maître d’Occident en Chine : construction d’une figure hybride de l’enseignant entre expérience scripturaire et fable mystique←7 | 8→
Figure del pedante nella commedia del Cinquecento (con un’ipotesi su una fonte plautina)
Il maestro lunare di Ariosto tra maestri terreni, canone, rovesciamenti e propaggini novecentesche
Stefano Lazzarin & Agnès Morini
Cet ouvrage est le fruit d’un colloque international qui s’est tenu en février 2015 à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, porté par l’Equipe d’Accueil 3069 CELEC (Centre d’Études sur les Littératures Étrangères et Comparées). Le sujet, Maîtres, précepteurs et pédagogues. Figures de l’enseignant dans la littérature italienne, qui relevait d’un programme scientifique quinquennal sur « L’Autorité », favorisait des approches diversifiées. A posteriori, il s’en dégage principalement quatre :
Une approche thématique (et thématologique)
Le thème du Maître a connu une très longue histoire dans la littérature italienne, des origines à nos jours1. Chaque grande période, chaque siècle possèdent quelques mémorables figures de maestro : depuis les classiques du Trecento et de la Renaissance – la Divine Comédie (1306–1321)2, ou bien le Roland Furieux (1516, 1521, 1532), où Atlant sert de précepteur à Roger3 – en passant par les pédagogues de la comédie (Bibbie←9 | 10→na, La Calandria, 1513)4 et les précepteurs des familles aristocratiques au XVIIIe siècle (Parini, Il giorno, 1763–1765, et Alfieri, Satira sesta. L’educazione, 1795–1796, mais aussi le poète sicilien Domenico Tempio, 1750–1821)5, pour arriver, enfin, aux maîtres d’école du roman du XIXe siècle, et aux variations sur le thème si fréquentes dans la littérature du XXe siècle. Il n’est pas impossible de fixer plusieurs passages fondamentaux dans l’histoire du thème, où celui-ci devient emblématique de quelques grands changements dans les « séries »6 littéraire, historique, ou sociologique.
Dans la littérature des premiers siècles, deux acceptions du thème – différentes, voire carrément opposées – se taillent la part du lion. Si l’Atlant du Furieux – dans lequel revit le vieux Phénix tuteur d’Achille (Iliade, chant IX) – est un sage, un homme doué de qualités supérieures voire de facultés magiques, le précepteur de la comédie n’est plus, lui, qu’une caricature, héritant des traits grotesques qui caractérisaient déjà pareil personnage dans les comédies de l’Antiquité classique ; il en va de même pour le maître-pédagogue du XVIIIe siècle : vaniteux et pédant, il ressemble invariablement à ce champion de la catégorie qu’est Pangloss. Le cas du « precettor d’amabil rito » qui soigne l’éducation du « giovin signore » dans le poème de Parini est cependant un peu différent : cette figure de l’écrivain – Parini était lui aussi précepteur, chez le duc Serbelloni à Milan – participe du monde frivole de son élève, de ses vices et de ses privilèges, mais révèle en même temps le vide qui l’entoure à travers sa voix ironique.
Dans la littérature des XVIe–XVIIIe siècles l’enseignant – précepteur, pédagogue, ou simple maître d’école – semble en passe d’accomplir sa transformation en figure définitive du malheur : c’est là l’un des grands tournants dans l’histoire du thème auxquels nous faisions allusion. Suspendu dans une position sociale ambiguë, entre le maître au sens hégélien du terme (cf. l’anglais master) et le serviteur ou l’esclave,←10 | 11→ l’enseignant suscite la suspicion, voire la haine des uns et des autres, serviteurs et patrons, et devient à son tour hostile aux uns comme aux autres. Chargé d’ambitions frustrées, il ne dispose que de sa culture et de son talent pédagogique pour essayer d’avoir accès à une société aristocratique ou bourgeoise, qui cependant le repousse, le reléguant dans un rôle subalterne. Le maître devient ainsi, dans le roman du XIXe siècle, un personnage malheureux, « mineur » par définition, comique par son statut7. Même lorsqu’il n’est pas ridicule et qu’il est, au contraire, doué de qualités morales, son malheur et sa tristesse ne l’abandonnent pas : le premier jour d’école le Maestro Perboni, dans Cuore de De Amicis (1886), avoue à ses élèves qu’il n’a plus de famille, ni de mère, qu’il est, en somme, complètement seul au monde8. Et la maîtresse d’école mise en scène par Pirandello dans sa nouvelle La maestrina Boccarmè (1899, ensuite dans le recueil Tutt’e tre, 1924), tout en gardant la dignité qui lui vient de son honnêteté et des l’amour pour son travail9, est l’emblème de ces créatures vaincues par la vie qu’on retrouve si souvent dans la littérature narrative du XIXe siècle.
Qu’en est-il de la figure du maître dans la littérature du XXe siècle ? Entre autorité reconnue ou – le plus souvent – contestée, « meurtre du père » ou bien hommage à l’enseignant et à l’institution qu’il représente, les exemples qui peuvent susciter la réflexion sont très nombreux ; pour n’en citer que quelques-uns : le maître de langue persane dans le récit de Tommaso Landolfi Dialogo dei massimi sistemi (1937) ; Giovanni Mosca, Ricordi di scuola (1939) ; Elsa Morante, Lo scolaro pallido (dans le recueil Il gioco segreto, 1941) ; Le parrocchie di Regalpetra (1956) de Leonardo Sciascia ; Lucio Mastronardi, Il maestro di Vigevano (1962) ; Natalia Ginzburg, Lessico famigliare (1963) ; Goliarda Sapienza, Lettera aperta (1967)10 ; la lettre à Gennariello dans les Lettere luterane de←11 | 12→ Pasolini (1976) ; le couple Guglielmo da Baskerville-Adso da Melk dans Il nome della rosa (1980) d’Umberto Eco11 ; Mery per sempre (1987), texte d’Aurelio Grimaldi qui est à l’origine du film (1988) de Marco Risi ; le journal d’une année scolaire rédigé par Domenico Starnone, Ex cattedra (1987) ; Io speriamo che me la cavo (1990) de Marcello D’Orta (le maître n’y figure pas directement ; mais c’est lui que le texte présuppose, car c’est lui qui choisit de réunir les devoirs de ses élèves dans un recueil qui est, à proprement parler, le livre)12 ; Registro di classe de Sandro Onofri (2000) ; le cycle de six romans policiers (2002–2012) que Margherita Oggero a consacré au personnage de Camilla Baudino, professeur de lettres dans une école de Turin et détective à ses heures perdues ; I professori e altri professori (2003) de Marco Lodoli ; Il sopravvissuto d’Antonio Scurati (2005)13 ; et ainsi de suite.
Une approche socio-historique
Derrière l’archétype littéraire du Maître, il y a les innombrables maîtres réels, à partir des pédagogues des origines – Brunetto Latini et autres – pour arriver aux maîtres d’école-fonctionnaires du Royaume d’Italie, et jusqu’aux professeurs d’aujourd’hui. Reconstruire l’histoire du personnage littéraire du maître signifie, de toute évidence, s’interroger sur des questions qui ne relèvent pas que de la littérature « pure » (à supposer que cette expression ait un sens) ; nous en mentionnerons trois, dont l’importance ne saurait être sous-évaluée.
Le rôle de l’institution scolaire à travers les siècles. En filigrane dans les différents articles qui composent cet ouvrage, on peut lire une histoire de l’école en Italie, avec une attention toute particulière portée à la période contemporaine. En effet, comme le remarque Giovanni←12 | 13→ Genovesi, l’école moderne naît en Italie à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, lorsque « si manifesta un’attenzione all’organizzazione della scuola pubblica »14, et que la question de l’ « istruzione del popolo » est posée pour la première fois15 ; ce n’est toutefois qu’à partir de l’unification que l’école italienne tend à devenir une institution de masse16. Dès lors, il n’apparaît pas étonnant que les témoignages fictionnels d’une réflexion sur l’institution, sur ses limites et ses fonctions se multiplient pendant les deux derniers siècles de littérature, et plus particulièrement depuis la proclamation du Royaume d’Italie (17 mars 1861). Girolamo De Michele, auteur d’un pamphlet passionné et très documenté sur l’école dans l’Italie des années deux mille, ne nous contredira sans doute pas, puisqu’il analyse d’un point de vue, pourrait-on dire, politique ou idéologique non seulement les livres de Paola Mastrocola, qui s’apparentent du genre non narratif de l’essai, mais aussi des récits et des romans de Lucio Mastronardi, Marcello D’Orta, Marco Lodoli17.
La configuration de ce qu’on pourrait appeler, en faisant un clin d’œil à l’actualité la plus stricte, la buona scuola18. Quel est le maître le plus vertueux, le plus efficace ? celui qui sait transmettre à ses élèves une méthode, ou bien des connaissances, ou les deux à la fois ? celui qui considère ses interlocuteurs moins comme des élèves que comme des compagnons de route ? le pédagogue qui éduque dans le sens le plus fort de ce mot, en favorisant la maturation de ses élèves, en les accompagnant pendant la transition difficile de l’enfance, ou de←13 | 14→ l’adolescence, à l’âge adulte ? ou encore, le maître qui sait apprendre par ses disciples, comme le recommande, à l’aube de la modernité, Michel de Montaigne19 ? Des sorcières du Baldus (1517) de Teofilo Folengo (Merlin Coccaïe), titulaires a contrario d’une fonction pédagogique que l’écrivain refuse d’assumer, aux deux couples pédagogue/élève du Roland Furieux (le vénérable Saint-Jean soigne l’éducation du « cancre » Astolfo, tandis que Roger est confié au magicien Atlant), et de la pédagogie des popolani du quartier de Trastevere, à Rome, telle que Belli la met en scène dans ses poèmes, aux enseignants du cycle des Uzeda de De Roberto, qui au lieu de perfectionner leurs élèves les dégradent20, pour arriver, enfin, jusqu’aux avatars du maître-précepteur dans la littérature de l’après-guerre21, c’est une histoire toute entière de la pédagogie qu’on peut entrevoir, par jalons et par raccourcis riches en signification(s).
La sociologie du travail intellectuel, dans l’Italie de la Renaissance et de l’âge baroque, mais aussi et surtout de la contemporanéité. Nous n’avons qu’à penser aux liens contradictoires entre la classe professionnelle des enseignants du secondaire et le pouvoir central, à cette époque cruciale que sont les années qui suivent l’Unité, tels qu’ils se dessinent, par exemple, dans deux ouvrages très significatifs, à différents égards, comme Le tribolazioni di un insegnante di Ginnasio (1873) de Placido Cerri et Socrate moderno (1908) de Massimo Bontempelli22, ou bien dans les œuvres de quelques écrivains femmes (Matilde Serao, Clarice Tartùfari, Elvira Mancuso) qui mettent en scène le personnage de la maîtresse d’école23. Le rapport du maître à l’idéologie émerge tout aussi clairement, quelques décennies plus tard, dans les ouvrages←14 | 15→ de Cesare Pavese (La casa in collina, 1948)24 et de Paolo Volponi25, ou dans la littérature sarde de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe (Maria Giacobbe, Gavino Ledda, Salvatore Niffoi)26.
Une approche narratologique ou générique
Si le maître appartient d’un côté à l’histoire des thèmes littéraires, et de l’autre, à celle des institutions scolaires et de la classe intellectuelle, le corpus littéraire qui le met en scène n’est pas sans solliciter des remarques d’ordre narratologique ou générique. En effet, la présence de ce personnage très particulier qu’est le maître conditionne, et parfois détermine, l’ambiance narrative dans laquelle il est plongé : autrement dit, le maître produit une forme de récit spécifique, avec ses thèmes récurrents, ses topoi, et ses propre structures narratives. On pourrait l’appeler le « récit du Maître », en modifiant légèrement l’étiquette proposée par Cinzia Ruozzi dans son livre récent – fondamental pour notre sujet – Raccontare la scuola27. Dans cet ouvrage, Ruozzi évoque l’existence d’un « récit sur l’école », attesté à la fois dans le domaine des textes fictionnels et non fictionnels, qui revient très fréquemment dans la littérature des trente dernières années, et qu’il serait erroné de concevoir comme une forme close :
il termine ‘racconto di scuola’ è da intendersi nella sua accezione più ampia come definizione delle svariate forme della narrazione sull’argomento, includendo testi di carattere non finzionale e testi più marcatamente finzionali e precisando di volta in volta le loro caratteristiche28.←15 | 16→
On le sait : du tragique au comique, et du pathétique au fantastique, tous les genres et les registres littéraires évoluent sans arrêt, ils ne sauraient être enfermés dans une formule axiomatique définitive ; le « récit sur l’école », et le « récit du Maître », ne font évidemment pas exception : « studiando a fondo i testi ci si accorge che sono le opere stesse a sfuggire al tentativo di costruire dei recinti classificatori troppo stretti »29. Il n’en reste pas moins que les textes de notre corpus semblent appartenir à un modèle narratif relativement bien délimité, presque un genre ou un sous-genre littéraire, avec, comme nous le disions, ses conventions propres :
Il racconto di scuola, dagli esordi ottocenteschi alle opere contemporanee, si configura […] come un genere letterario specifico. Al suo interno è possibile distinguere personaggi e luoghi topici, stili e forme che si ripetono nel tempo, declinazioni diverse degli stessi motivi30.
A titre d’exemple, parmi les conventions qui fondent le « récit du Maître », on pourra mentionner la présence de types humains récurrents31, ou bien le motif de l’inaptitude/incompétence (inettitudine) du maître32, ou encore la représentation de l’école comme un microcosme, un monde en miniature qui reproduit sur une échelle plus petite les caractéristiques du monde extérieur33, ou enfin, l’opposition catégorielle (et stylistique) entre « racconto della speranza » et « racconto del disincanto »34, représentation rhétorique et ironique de la figure du maître. Un dernier exemple de convention pour ainsi dire « interne » au genre en question est ce que nous pourrions baptiser, en repensant à un célèbre épisode de Ricordi di scuola de Giovanni Mosca35, le topos littéraire de la « bataille avec la Grosse Mouche » : à savoir ce défi que le maître d’école lance à sa classe, en descendant sur le terrain de prédilection←16 | 17→ de ses élèves, et par lequel il arrive à asseoir son autorité. Nos lecteurs découvriront aisément, dans l’ensemble des études que nous proposons dans cet ouvrage, d’autres éléments récurrents, ou perspectives d’étude communes sur notre corpus.
Une approche psychologique
Details
- Pages
- 478
- Publication Year
- 2017
- ISBN (PDF)
- 9783034325301
- ISBN (ePUB)
- 9783034325318
- ISBN (MOBI)
- 9783034325325
- ISBN (Softcover)
- 9783034321051
- DOI
- 10.3726/978-3-0343-2530-1
- Language
- French
- Publication date
- 2016 (December)
- Keywords
- maître et littérature italienne XVIe-XXIe s. pédagogue et littérature italienne XVIe-XXIe s. précepteur et littérature italienne XVIe-XXIe s. enseignant et littérature italienne XVIe-XXIe s.
- Published
- Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2017. 478 p.