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Haïti après le tremblement de terre

La forme, le rôle et le pouvoir de l’écriture

by Emmanuelle Anne Vanborre (Volume editor)
©2015 Monographs XII, 157 Pages

Summary

En parallèle à la construction historique d’Haïti en tant que pays indépendant, la littérature haïtienne s’est montrée dynamique depuis plus de deux siècles. Les écrivains, poètes, artistes, créent et notent la vivacité culturelle d’Haïti. Le 12 janvier 2010, le séisme fait trembler la terre d’Haïti, fait trembler les corps et les âmes des personnes d’Haïti et d’ailleurs. Immédiatement après la catastrophe, les écrivains continuent à écrire, reprennent l’écriture, commencent à créer de nouvelles œuvres sur le tremblement de terre et ses conséquences. Plusieurs articles, récits, fictions, volumes collectifs sont publiés. La force et la vie de la littérature haïtienne continuent à impliquer les lecteurs, en éveillent de nouveaux. La misère, la douleur, la tristesse et la mort peuplent les lignes, mais la beauté, le courage, la vision et l’espoir sont également présents. Les mots essaient de contenir la complexité de la nouvelle face d’Haïti. Les mots essaient de capturer l’absence. Mais comment le témoignage est-il possible quand l’événement est une catastrophe, quand l’événement a pris la vie de tant de personnes, quand l’événement touche à la destruction et à la mort ? Ce volume s’attache à analyser les écrits qui ont trait au séisme, au rôle et au pouvoir de la littérature, à la nécessité d’écrire qui suit un tel événement traumatique. Le but est d’offrir une réflexion sur ce que peut la littérature, la fiction, ce que peuvent les mots devant le drame qui est survenu à Haïti.

Table Of Contents

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’éditeur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Remerciements
  • Avant-propos
  • Partie 1 : Écrire pour témoigner
  • 1. Haïti après le tremblement de terre : le témoignage impossible et nécessaire
  • Notes
  • Bibliographie
  • 2. Quand un tremblement de terre secoue l’écriture : regards croisés sur une catastrophe dans Tout bouge autour de moi de Dany Laferrière et Failles de Yanick Lahens
  • Être le témoin oculaire et historique : l’empreinte laissée par l’événement
  • Créativité du témoin : les premiers souvenirs
  • Travail de réflexion
  • Notes
  • Bibliographie
  • 3. Écrire le chaos ou aller au-delà du témoignage ? Failles de Yanick Lahens
  • Bibliographie
  • 4. Haïti pour une reconquête : écrire, s’accrocher, être et demeurer
  • Notes
  • Bibliographie
  • Partie 2 : Narrer l’indicible
  • 5. Yanick Lahens, Marvin Victor, Kettly Mars : écriture du tremblement
  • L’écriture en Haïti
  • Yanick Lahens : séisme et écriture d’un récit
  • Marvin Victor : séisme et écriture romanesque
  • Silence et écriture
  • Après le séisme avec Kettly Mars : écrire pour déplacer les frontières
  • Conclusion
  • Notes
  • Bibliographie
  • 6. « Raconter la chose » pour « dire l’inénarrable. » Ballade d’un amour inachevé de Louis-Philippe Dalembert
  • Bibliographie
  • 7. Melovivi ou le piège : Prophétie, langage, et survie dans l’écriture de Frankétienne
  • Le Spiralisme ou une esthétique du mouvement
  • Transformation linguistique et création
  • Notes
  • 8. Donner corps au traumatisme
  • Introduction
  • Conclusion
  • Notes
  • Bibliographie
  • Partie 3 : Reconstruire et se dépasser
  • 9. Écrire à la hauteur de ce malheur debout et juste : Failles de Yanick Lahens
  • Postcript
  • Bibliographie
  • 10. La Révolte du silence : l’œuvre de Lyonel Trouillot face au séisme de 2010
  • Les intellectuels haïtiens : un engagement personnel, un choix littéraire
  • Lyonel Trouillot entre sens civique et création littéraire
  • Au-delà du silence : entre résilience et révolte
  • Conclusion
  • Notes
  • Bibliographie
  • 11. Carmelle/Carm’elles : la liminalité lopezienne au service d’Haïti
  • Bibliographie
  • Biographies
  • Titres de la collection

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← viii | ix → Remerciements

Je remercie les membres du comité de Faculty Development et l’université de Gordon College pour leur soutien dans la poursuite de ce projet. J’exprime également ma reconnaissance à mes étudiants qui m’inspirent au quotidien, à mes collègues de Gordon et ailleurs et à mes amis qui m’encouragent à poursuivre des projets tels que celui-ci. Je remercie toutes les personnes qui m’ont contactée pour ce volume ainsi que toutes les personnes qui y ont participé. Enfin, j’exprime ma profonde reconnaissance à ma mère pour ses relectures attentives et à ma famille pour ses encouragements permanents. ← ix | x →

 

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← x | xi → Avant-propos

 

En parallèle à la construction historique d’Haïti en tant que pays indépendant, la littérature haïtienne s’est montrée dynamique depuis plus de deux siècles. Les écrivains, poètes, artistes, créent et notent la vivacité culturelle d’Haïti. La littérature atteint de nombreux pays, est traduite en plusieurs langues. Les auteurs sont reconnus sur la scène internationale et plusieurs reçoivent des prix littéraires importants. Puis, le 12 janvier 2010, le séisme fait trembler la terre, le sol d’Haïti, fait trembler les corps et les âmes des personnes d’Haïti et d’ailleurs. Immédiatement après la catastrophe, les écrivains continuent à écrire, reprennent l’écriture, commencent à créer de nouvelles œuvres sur le tremblement de terre et ses conséquences. Plusieurs articles, récits, fictions, volumes collectifs sont publiés. La force et la vie de la littérature haïtienne continuent à impliquer les lecteurs, en éveillent de nouveaux. La misère, la douleur, la tristesse et la mort peuplent les lignes, mais la beauté, le courage, la vision et l’espoir sont également présents. Les mots essaient de contenir la complexité de la nouvelle face d’Haïti. Les mots essaient de capturer l’absence. Mais comment le témoignage est-il possible quand l’événement est une catastrophe, quand l’événement a pris la vie de tant de personnes, quand l’événement touche à la destruction et à la mort ? Que peut faire l’écriture, que peut faire la littérature, pour retranscrire la mort, la mort des autres, pour garder la mémoire, la perte ? Et comment la littérature peut-elle capturer l’espoir, la survie nécessaires ? Ce volume s’attache à analyser les écrits qui ont trait au séisme, au rôle et au pouvoir de la littérature, à la nécessité d’écrire qui suit un tel événement traumatique. Le but est d’offrir une réflexion sur ce que peut la littérature, la fiction, ce que peuvent les mots devant le drame qui est survenu à Haïti. Haïti n’est ni un paradis ni un enfer, c’est un pays où des gens comme les autres essaient de faire face aux circonstances, aux catastrophes humaines et naturelles et un pays qui construit son identité, qui ← xi | xii → observe et analyse son passé pour poser les bases de son avenir. Cet ouvrage ne veut en aucun cas projeter une image idéalisée ou misérabiliste du pays, de ses habitants, de ses écrivains. Notre but est uniquement d’analyser le désir et le besoin d’écrire et de lire de la fiction, de la littérature quand la douleur, la disparition et la mort occupent les corps, les cœurs et les esprits.

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← xii | 1 → Partie 1 : Écrire pour témoigner ← 1 | 2 →

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← 2 | 3 → 1. Haïti après le tremblement de terre : le témoignage impossible et nécessaire

EMMANUELLE ANNE VANBORRE

Gordon College

« Que peut la littérature devant les grands malheurs ? Rien. Mais surtout pas se taire. »1 Lyonel Trouillot pose le difficile paradoxe auquel font face les écrivains. Il semble impossible mais nécessaire d’écrire, de témoigner, de raconter les événements qui se produisent, qui nous touchent, nous affectent et qui concernent également les autres. Mais en effet, comment est-il possible de témoigner quand l’événement qui s’est produit est une catastrophe, quand l’événement a pris la vie de tant de personnes, quand il s’agit de destruction et de mort ? Que peuvent faire l’écriture, le témoignage et la fiction, pour capturer la perte, la mort de l’autre, et pour transcrire le souvenir ? Et comment la littérature peut-elle saisir l’espoir et la survie nécessaires ? Quel est le pouvoir de la littérature, de la fiction, après un événement comme le tremblement de terre qui a secoué la terre d’Haïti le 12 janvier 2010 ? Il est difficile de répondre à ces questions mais il est fondamental d’y répondre car elles sont essentielles dans la mesure où l’importance de la fiction littéraire ne peut être minimisée même si la survie physique, matérielle, psychologique et morale des survivants est également primordiale. La fiction par son mode de fonctionnement permet la coexistence de contradictions, d’aspects opposés, présents dans les récits qui portent la disparition, l’absence et le renouveau.

Dans son court article « Finding the Words, » Michel Le Bris soulève plusieurs fois la question de la possibilité de la littérature et de l’écriture et il commente sur la difficulté de trouver les mots après avoir fait l’expérience d’une catastrophe, après avoir vu de si près la mort : « quels mots peut-on trouver quand on revient d’entre les morts ? »2 En effet, comment peut-on témoigner de la mort, à partir de la mort ? Comment peut-on parler de la mort de l’autre, ← 3 | 4 → raconter la mort dont on n’a pas fait l’expérience ? L’expérience complète et profonde de la mort n’est pas vécue et ne peut être racontée. Le survivant n’a pas fait l’expérience de la mort elle-même mais il peut raconter et témoigner de la destruction, de l’absence, de la mort qui a emporté l’autre. Ce qui donne lieu à d’autres interrogations. Comment fonctionne le témoignage ? Qu’est-ce que le témoignage ?3 Jacques Derrida offre certaines réflexions sur le témoignage, sa possibilité, son impossibilité, ses contradictions inhérentes. L’existence de l’acte de témoigner est lui-même paradoxal :

Et pourtant si le testimonial est en droit irréductible au fictionnel, il n’est pas de témoignage qui n’implique structurellement en lui-même la possibilité de la fiction, du simulacre, de la dissimulation, du mensonge et du parjure — c’est-à-dire aussi de la littérature, de l’innocente ou perverse littérature qui joue innocemment à pervertir toutes ces distinctions. Si cette possibilité qu’il semble interdire était effectivement exclue, si le témoignage, dès lors, devenait preuve, information, certitude ou archive, il perdrait sa fonction de témoignage. Pour rester témoignage, il doit donc se laisser hanter. Il doit se laisser parasiter par cela même qu’il exclut de son for intérieur, la possibilité, au moins, de la littérature.4

Le témoignage est donc constitué d’éléments opposés et irréconciliables. Il contient la possibilité de la fiction tout en l’écartant pour prendre son statut de témoignage ancré dans le récit relaté par un témoin, dans une certaine réalité vécue et rapportée. Cependant, il écarte la possibilité de la fiction sans l’anéantir, sinon il serait transformé et n’aurait plus le statut de témoignage même, de récit subjectif énoncé par un sujet particulier qui livre sa propre représentation de l’événement. La fiction, par la façon dont elle fonctionne, peut contenir le récit de témoins qui ont fait l’expérience sans aller jusqu’au point de la mort. Il est impossible de capturer la réalité par les mots, de raconter exactement ce qui s’est passé, de retranscrire l’expérience de ceux qui ont disparu, mais il est nécessaire d’essayer, c’est la raison pour laquelle les disparus ne seront pas oubliés. Témoigner, se souvenir, contiennent la possibilité de la mémoire des morts, la possibilité de leur donner une voix à travers les mots écrits. Le témoin porte ainsi un lourd poids, un fardeau, une tâche. Les survivants doivent se souvenir et raconter l’événement qui ne les a pas tués. Derrida remarque que :

Un témoin et un témoignage doivent être toujours exemplaires. Ils doivent être d’abord singuliers, d’où la nécessité de l’instant : je suis seul à avoir vu cette chose unique, à avoir entendu, ou à avoir été mis en présence de ceci ou de cela, à un instant déterminé, indivisible ; et il faut me croire parce qu’il faut me croire — c’est la différence, essentielle au témoignage, entre la croyance et la preuve —, il faut me croire parce que je suis unique et irremplaçable. Et à la pointe de cette irremplaçabilité, de cette unicité, encore une fois, il y a l’instant.5

Details

Pages
XII, 157
Publication Year
2015
ISBN (PDF)
9781453914243
ISBN (MOBI)
9781454192886
ISBN (ePUB)
9781454192893
ISBN (Softcover)
9781433128318
DOI
10.3726/978-1-4539-1424-3
Language
French
Publication date
2015 (February)
Keywords
Vivacité culturelle Conséquence Catastrophe Littérature haïtienne Séisme
Published
New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, Oxford, Wien, 2014. 157 p.

Biographical notes

Emmanuelle Anne Vanborre (Volume editor)

Emmanuelle Anne Vanborre a obtenu un Master et un Doctorat de Littérature française de l’université de Boston College. Dr. Vanborre est professeur de français à l’université de Gordon College dans le Massachusetts. Elle a écrit des livres, articles et comptes rendus sur Blanchot, Camus et Condé dont Lectures blanchotiennes de Malraux et Camus (Peter Lang, 2010) et a édité un volume intitulé The Originality and Complexity of Albert Camus’s Writings (2012). Ses recherches se concentrent sur la théorie littéraire et les fictions françaises et caribéennes des XXe et XXIe siècles.

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